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Théâtre le Temple
18 rue du Faubourg du Temple
75011 Paris
Du mercredi au samedi 20h, les dimanches à 19h
Ils voltigent, glissent, bondissent et dansent pendant une heure et demie dans une suite haletante d'apparitions/disparitions, vifs comme des feux follets. Cinq, mais on les croirait douze tant leurs changements de costumes sont rapides, presque imperceptibles. Ils font penser à des papillons de nuit attirés par la lumière du plateau. Ils virevoltent quelques minutes dans la chaleur des projecteurs et disparaissent à nouveau comme aspirés par l'ombre infinie du fond de
scène pour réapparaître presque instantanément. On sent pulser chez ces cinq danseurs un énorme appétit de briller, une envie de donner le meilleur de leurs talents pour un public qu'ils veulent emmener dans leur histoire de toutes leurs forces.
C'est un voyage dans le temps auquel ils nous invitent, un voyage dans l'histoire des musiques et des danses, principalement celles du vingtième siècle.
Le charleston, le blues, le jazz, le rock, la pop, le disco et même la chanson réaliste : un voyage. Celui de trois jeunes qui commettent l'erreur de voler des baskets à un petit vendeur des rues. Un conte car ces baskets magiques vont les propulser dans le passé par secousses successives. Une fable orchestrée par une sorte de Génie accompagné de son lutin virevoltant (le petit vendeur). Une histoire féérique enfin qui va les entraîner tout au long du siècle de la danse
dans un mélange de fiction et de réalité, comme une traversée des modes, des images et des sons.
Voici donc les trois compères obligés de suivre les rythmes que leur imposent leurs chaussures, projetés dans un monde qui se réfère aux cartoons et leurs personnages immortels et déformables à volonté. Et ces danseurs semblent l'être. Ils ont créé des personnages qui possèdent chacun son talent particulier et son caractère (un peu comme les héros du Baron Von Münchhausen).
Des talents puisés directement aux spécificités de chaque interprète : Joe Yamakasi, magnifique danseur Hip-Hop et Yamakasi capable de grimper le long des murs (qui est aussi celui qui a réuni cette troupe pleine de talents originaux), Creesto, champion international de Popping, Blackjey un talentueux danseur de Break Dance, Sweetlo un adepte du Hip-Hop aux bondissements impressionnants et un chanteur/breaker/narrateur, le bon Génie plein de facéties et de tours : Willy
Da Flow.
Toute l'aventure est orchestrée par une bande son gorgée de bruitages et de dialogues qu'ils s'amusent à jouer en play-back dans une démesure digne de showmen. Une succession de références allant du dessin animé (Bugs Bunny, Bipbip et le coyotte etc.), aux films (Men in Black, Sister Act, les westerns), aux tubes (une parodie de Septembre de « Earth, Wind and fire »), tout cela agrémenté d'acrobaties millimétrées et du Hip-Hop comme fil conducteur.
Mais parfois, nos aventuriers du temps rencontrent des moments plus graves de l'histoire, la grande, comme cette très belle page sur l'esclavage qui nous fait voyager des Antilles au Mexique (et le poing dressé du black-power des athlètes nord-américains sur le podium des jeux olympiques de 1968), pour nous emmener ensuite au Brésil où les esclaves inventèrent la Capoeira comme danse d'entrainement au combat à mains nues, jusqu'à un retour aux sources africaines dans
une danse tribale qui paraît soudain calme, sereine, apaisante en comparaison de la démonstration explosive dont ces artistes sont capables. Des images fortes dans une lumière ambrée qui fait resplendir les corps à la manière des images du film « La couleur pourpre ».
Ce sont quelques brefs moments poignants mais la course et le rire, l'autodérision reprennent vite leurs droits.
À noter aussi un chaleureux clin d'il de Joe Yamakasi à Michael Jackson et son fameux moonwalk qui se termine dans la salle, sur la tête des spectateurs.
À eux cinq, ils créent un monde qui semble pouvoir se tordre sans limite, un monde fantastique en effet, un monde élastique à l'image des bras d'un Creesto impressionnant de souplesse et d'agilité, un monde où l'on peut tomber de deux mètres et se relever aussitôt comme si la main invisible d'un géant aidait le danseur à se retrouver debout.
C'est vif, enlevé, drôle, un peu trop déferlant parfois comme un trop-plein de générosité. Mais un spectacle que le public reçoit comme un don : du rire, de l'énergie, de la grâce et des performances. On repart avec tous ces cadeaux dans le cur et des tas de musiques dans la tête et l'envie de sauter par-dessus le capot de la voiture en donnant une toute petite impulsion du talon
Bruno Fougniès
Les danseurs fantastiques : Voyage dans le temps
Avec Joe Yamakasi, Willy Da Flow, BlackJey, Creesto, Sweetlo
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