JULIETTE – NOUR
Théâtre du Chatelet
1 Place du Châtelet
75001 Paris
01 40 28 28 40
Le 23 janvier
Voir un Chatelet plein à craquer, noir de monde du haut en bas, dressé d’un même incontrôlable élan pour applaudir à tout rompre une petite bonne femme toute en rondeurs, bouille rigolote cerclée de lunettes, qui interprète des chansons à textes, superbement écrites sur des mélodies travaillées et variées, complètement à contre courant de la mode actuelle, voilà qui est grandement réconfortant.
Oui, on sait encore reconnaître le talent, non la chanson française n’est pas morte, non il ne suffit pas de se conformer aux normes affichées ni de se couler dans le moule pour faire carrière.
Passer deux heures trente en compagnie de Juliette, c’est un moment inoubliable, riche en émotions diverses.
Le concert, entrecoupé de sketches sur un thème policier – même si honnêtement, ce n’est pas ce que j’ai préféré – nous a entraînés pour un voyage à la fois drôle et grave dans l’univers de Juliette, cet univers si particulier qui mêle un humour débridé parfois même un peu trash à une ironie souvent poignante, une gouaille populaire à une peinture féroce. C’est tendre, cruel, ça nous raconte des histoires qui soulèvent des questions que l’on se pose tous, c’est d’un réalisme fou mâtiné d’un gros grain de folie avec toujours une interprétation hors normes mêlant une aisance et une autorité stupéfiantes à une voix sublime.
Qu’elle évoque la nostalgie du temps qui passe (Au petit musée), les violences conjugales (La petite robe noire), la tentation de l’ivresse (Le diable dans la bouteille), le droit à choisir sa mort (Nour :
Lors, quand vacillera cette flamme qui est moi,
Cette loupiote nue, ce petit feu de joie
À l’ombre des douleurs, et pour les faire taire,
Je veux pouvoir, moi même, éteindre la lumière.),
Qu’elle nous raconte une tentative d’assassinat (Veuve noire), qu’elle parodie les chansons de marins sur des paroles de François Morel (Jean Marie de Kervadec) ou un conte de fée (Légende, texte de Jacques Faizant), elle est toujours d’une grande justesse dans le ton et le geste, jouant avec ses musiciens, tous excellents, mêlant avec verve anecdotes et facéties.
Et puis surprise : le rideau du fond se lève sur l'orchestre des Gardiens de la Paix de la Préfecture de Police qui va l’accompagner notamment dans une incroyable version de Padam Padam, une version magnifique, à en faire oublier Édith Piaf, sublimée par la voix de la chanteuse qui donne ici sa pleine mesure et une formidable orchestration. Toute la salle retient son souffle, l’émotion est à son comble à en avoir des frissons et les larmes aux yeux. Moment inoubliable, magique, où le temps est suspendu, où quelques milliers de personnes communiquent dans un même saisissement.
Merci Juliette. Vous méritez bien ce nom de Nour (lumière).
Nicole Bourbon
Mis en ligne le 24 janvier 2015