GEORGES CHELON
Olympia
28, boulevard des Capucines
75009 Paris
Tel : 08 92 68 33 68
Le 18 janvier 2015
Crédit : Julien Reynaud / APS-Medias
L’Olympia est plein à craquer. Beaucoup de chevelures d’argent et peu de frais minois. L’artiste a vieilli et son public aussi, toujours fidèle au rendez-vous.
Première partie consacrée aux anciens succès, choix certainement pas facile tant ils sont nombreux mais judicieux, on réentend avec plaisir les plus marquants, chantés avec un simple accompagnement au piano.
Et l’on retrouve sans peine sous les cheveux blancs le sourire du jeune homme qui avait enchanté notre adolescence. Chaque chanson évoque un souvenir : « Le père prodigue, Morte-saison, Sampa, les larmes aux poings, Prélude, et le superbe « Avant », une des plus belles chansons d’amour à mon avis : « Mais il est vrai qu'avant, avant, je ne t'avais pas, mais il est vrai qu'avant, avant, je ne nous aimais pas, mais il est vrai qu'avant, avant, quand mes draps étaient froids, je n'avais pas ton corps pour moi, je n'avais pas tes bras… Tu vois, je n'étais rien, ou presque rien, mais j'attendais, guettant comme on guette le jour, sans savoir bien toujours où il va se lever…».Des chansons parmi tant d’autres et je me revois, c’étaient mes années d’internat. Dans nos petites chambres en haut du château, les disques de Chelon tournaient sur le Teppaz, j’étais avec Bernadette et Evelyne qu’on chahutait pour son prénom titre d’une des chansons. Que sont-elles devenues ? Si ça se trouve, elles sont là dans la salle à quelques pas de moi.
La voix n’a pas changé, toujours aussi chaude avec cette pointe d’accent ensoleillé. Parfois – est-ce l’émotion due aux retrouvailles ? ou quelque attaque perfide de l’âge ? –, l’artiste se perd un peu, commente son faux pas avec humour et repart sous les bravos d’un public prêt à tout lui pardonner.
Car on est de nouveau sous le charme de ces mélodies qui attrapent l’oreille pour ne plus la lâcher et de ces textes si poétiques, si bien écrits, qui décrivent si bien tout ce qui peut nous arriver, nous toucher. Avec aussi quelques incursions dans un domaine plus coquin avec « La salopette ou La clef ».Coquin mais toujours avec des mots choisis et sans vulgarité.
Entracte. Deuxième partie. Composée en grande partie des morceaux du dernier album, « Au pays de Millet » et d’autres de ces dernières années avec de nombreux musiciens qui vont donner une couleur plus jazzy, et une courte apparition du grand violoniste Didier Lockwood. La maturité aidant, le ton est plus grave, nostalgique, les thèmes plus engagés, le jeune troubadour d’antan exprime désormais ses anxiétés face au temps qui passe : « À peine le temps de se retourner Déjà le rideau est tombé C’est passé vite » et à la mort inévitable qui nous attend : « Y a pas de j’y vais, j’y vais pas, Il faut, il faudrait, il faudra ».
Le ton est grave face aux maux qui agitent notre société : « Monsieur… une envolée de rires contre une armée de chars Pour ramener la paix quoi de plus dérisoire Monsieur je ne crois pas que j’enverrai ma lettre. »
Ou : « Quel que soit l’endroit sur la terre où tu poses le doigt on se bat »
Le présent a rejoint le passé. Oui Chelon est bien toujours le magicien des mots, qu’il trempe sa plume dans le miel ou dans le vitriol la limpidité et la fluidité des mots et des notes sont toujours là, et c’est toujours un superbe hommage à la langue de Molière, celle capable de faire rimer détruire avec reconstruire.
Dommage que les chansons à texte se perdent. Et que Georges Chelon, le dernier poète restant, soit si peu médiatisé. Où sont les Ferré, Brel, Brassens, Ferrat d’aujourd’hui ? Et où est le public pour les écouter ? Aujourd’hui dans la salle bourrée de l’Olympia on compte les jeunes sur les doigts de la main.
Au rappel, l’artiste rend hommage lui aussi à Charlie. À sa façon, c'est-à-dire avec une chanson. Superbement écrite. À cent lieues au-dessus de ce qui fleurit en ce moment sur Internet.
« Ils sont au pied d’Allah, de Dieu, de Yahvé, de Bouddha… »
Nicole Bourbon
Mis en ligne le 19 janvier 2015