PAVILLON NOIR

TNBA
Théâtre du Port de la Lune
Direction Catherine Marnas
Place Renaudel - Bordeaux

Jusqu’au 3 février du mardi au vendredi à 20h, samedi à 19h

 

Pavillon noir loupe 

Le Pavillon Noir, comme il est rappelé dans le dossier artistique du spectacle, est un drapeau hissé sur les vaisseaux pirates du XVIIème et XVIIIème siècles, généralement orné d’un crâne et de tibias croisés, pour effrayer leurs ennemis.

Mais il n’est pas question ici, ou de façon anecdotique, de piraterie de flibuste mais du nouvel océan du surf : internet. Voilà l’espace que le Collectif OS’O (On S’Organise) et le collectif d’auteur Traverse ont décidé d’explorer et de mettre en mots et en scène.

Et plus particulièrement, le Dark Net (ou web souterrain) sorte de marché noir du web où tout s’achète et se vend à coup de Bitcoins en tout anonymat. Un monde encore méconnu du grand public qui se développe sous deux auspices : l’un optimiste qui revendique la liberté dont dispose le Dark Net en opposition totale avec le contrôle systématique et le fichage que le web normal développe. L’autre pessimiste puisque l’activité économique fait sur ce Dark Web échappe à tout le monde, ce qui en fait un lieu d’élection pour la pègre et les trafics en tous genres : médicaments, armes, humains. Sans compter le danger possible d’une crise financière du Bitcoin.

La force de ce spectacle est de n’avoir pas voulu utiliser les moyens numériques ou vidéastes qu’un tel sujet pouvait faire choisir, mais de transférer le net sur le plateau, essentiellement via le jeu des comédiens, quelques accessoires, lumières et bandes sons. L’objectif est d’incarner le plus possible l’impalpable dont il est question ici. On assiste alors à des réunions virtuelles de groupe de hackers en train d’organiser l’évasion d’une pirate informatique pourchassée par la justice, au procès d’un jeune entrepreneur devenu millionnaire grâce à la plateforme de vente de drogues qu’il a créé sur le Dark Web, mais aussi à l’apparition et au ballet comique d’une bande de Métadonnées (renseignements sur nos vies collectées par le web : déplacements, dates, lieux etc.), et aux interventions amusantes et en live de Tutoriels du web, et aussi plus étrangement à la libération d’un accusé dans un procès actuel par l’apparition de pirates du XVIIème siècle…

D’un côté une volonté de mettre en vie une grande partie de ce que peut le web en matière de pouvoir et de contrepouvoir (par les pirates informatiques entre autre), de l’autre l’envie de révéler les fonctionnements, les termes, les machineries cachées du web : le spectacle est devenu une surabondance de richesses, de thèmes, d’histoires comme une galerie hétéroclite.

Même si une trame principale court tout au long du spectacle (la libération de la dissidente coupable d’avoir mis en ligne des dossiers scientifiques détenus par une société du net – et vendus chers et apparemment sans verser un sou aux auteurs de ces dossiers), l’unité dramatique du spectacle est invisible. Un dommage sans doute du au fait que le texte a été écrit par un collectif d’auteurs, avec le déficit d’une unité de style.

Mais il ne faut pas oublier que les sept comédiens font preuve d’une belle énergie, et d’une grande pratique de la scène puisqu’ils incarnent un nombre indéterminé de personnages. Sans compter les changements de scènes, vifs, efficaces, qui donnent un bon rythme. Et l’occasion, pour ceux qui le connaîtraient mal, de découvrir quelques leviers secrets de ce nouveau pouvoir pas si virtuel que ça.

Internet est-il donc une source de contrôle des individus ou un outil capable d’apporter la liberté ? À cette question, bizarrement, il est répondu en termes de pouvoir et de contre pouvoir, pas de liberté. À suivre.

 

Bruno Fougniès

 

Pavillon noir

Un projet du Collectif OS’O écrit par le Collectif Traverse

Auteurs : Adrien Cornaggia, Riad Gahmi, Kevin Keiss, Julie Ménard, Pauline Peyrade, Pauline Ribat & Yann Verburgh.

Acteurs : Jérémy Barbier d’Hiver, Moustafa Benaïbout, Roxane Brumachon, Bess Davies, Mathieu Ehrhard, Marion Lambert & Tom Linton.

Vigie/coordination artistique : Cyrielle Bloy & Baptiste Girard

Scénographie : Ingrid Pettigrew

Costumes : Aude Désigaux

Maquillage : Carole Anquetil

Création Lumières : Jérémie Papin

Régie générale : Emmanuel Bassibé

Musique : Martin Hennart

 

Mis en ligne le 27 janvier 2018