MADEMOISELLE JULIE

Comédie de Picardie
62, rue des Jacobins
80000 Amiens

Réservations : 03 22 22 20 28

Avant-premières les 8 et 9 février 2018 à 20h30, le 10 à 19h30

Durée : 1h25

à partir d’octobre 2018 :
à Istres, Albi, Maisons-Alfort, Vesoul, Sens, Oullin, Grasse, Chartres, Cesson-Sévigné…

 

Mademoiselle Julie loupe 

Écrite en 1888, Mademoiselle Julie, la pièce maîtresse du Suédois August Strinberg, jugée trop sulfureuse par les autorités suédoises, a d’abord été jouée au Danemark avec la propre épouse de l’auteur, Siri von Essen, dans le rôle-titre.

Depuis, les plus grandes actrices – Isabelle Adjani, Fanny Ardent, Juliette Binoche, Émilie Dequenne – se sont approprié le personnage de Julie et, d’année en année, nombreuses sont les adaptations de ce drame naturaliste.

Celle de Gaëtan Vassart, présentée en avant-première à la Comédie de Picardie à Amiens, restitue avec justesse et une grande fidélité à l’œuvre l’atmosphère de ce tragique huis clos, donne chair, consistance et crédibilité à ses personnages.

La cuisine, le lieu où tout va se jouer l’espace d’une nuit, est parfaitement conforme à la représentation que l’on s’en fait lorsqu’on lit la pièce.

Nous sommes dans la maison de Monsieur le Comte, parti voir des parents pour la Saint Jean. Mais la présence dans la cuisine de ses bottes que Jean, son valet, doit cirer, et de la sonnette avec laquelle il appelle son valet, sont les symboles de l’autorité qu’il exerce sur le serviteur.

Kristin, la cuisinière, s’affaire au fourneau, bientôt rejointe par Jean, son fiancé puis par Mademoiselle Julie, qui n’a pas souhaité accompagner son père, bien décidée à profiter comme elle l’entend de cette nuit où tout est permis.

Elle invite Jean à danser et se lance dans un dangereux jeu de la séduction auquel le jeune homme, réticent au début, finira par succomber.

La jeune femme, en laissant libre cours à son désir, se veut libre de se conduire comme un homme. Prisonnière des valeurs et des préjugés de la noblesse à laquelle elle appartient, elle tente de s’en affranchir à tout prix.

Charmeuse, ensorceleuse, imprévisible, mais aussi violente et dominatrice, Anna Mouglalis, avec sa voix envoûtante, ses longs cheveux et sa silhouette longiligne, se coule dans le rôle comme s’il avait été créé pour elle.

Face à elle, Xavier Legrand déploie toute son énergie et son talent pour incarner ce valet habité de l’ambition de sortir de sa condition de domestique et qui va répondre aux avances de sa maîtresse tout en la méprisant, ce qui ne l’empêche pas de caresser le rêve de s’enfuir avec elle pour aller en Suisse ouvrir un restaurant.

Mais au matin, une fois dissipée l’exaltation de la nuit, le rêve de s’émanciper des carcans sociaux pour Julie, le désir d’ascension sociale pour Jean, se fracassent contre la douloureuse prise de conscience qu’on ne transgresse pas aussi facilement les codes imposés par la société.

Julie, incapable de survivre à son déshonneur, décidera de se trancher la gorge avec le rasoir de son amant.

Lequel amant aura un sort moins tragique.

Pour l’homme, point de déshonneur.

Droit dans ses bottes, il continuera de cirer celles de Monsieur le Comte en attendant de pouvoir, un jour peut-être, s’établir à son compte. Ou peut-être épousera-t-il Kristin, la seule des trois personnages à se satisfaire de sa condition sociale, jouée tout en finesse par la jeune Sabrina Kouroughli.

La justesse de la mise en scène, une distribution en parfaite adéquation avec les personnages, un décor approprié, font de cette adaptation une réussite.

Heureux les Amiénois qui ont pu assister aux avant-premières du 8 au 10 février.

Les Parisiens, eux, devront attendre la saison prochaine.

Quant au Provinciaux, ils ne seront pas oubliés, une tournée prévue à partir d’octobre 2018 devant proposer le spectacle à Istres, Albi, Maisons-Alfort, Vesoul, Sens, Oullin, Grasse, Chartres, Cesson-Sévigné…

Élishéva Zonabend

 

Mademoiselle Julie

D’August Strinberg
Traduction : Terje Sinding

Mise en scène : Gaëtan Vassart
Collaboration artistique : Sabrina Kouroughli
Scénographie : Camille Duchemin
Lumières : Franck Thévenon
Costumes : Stéphanie Coudert
Son : David Geffard

Avec : Anna Mouglalis, Xavier Legrand, Sabrina Kouroughli

 

Mis en ligne le 13 févrierr 2018