LA BONNE ÉDUCATION

NEST – CDN de Thionville-Lorraine
15 route de Manom
57100 Thionville

Du 15 au 25 novembre au Théâtre Olympia - CDR de Tours
Les 6 et 7 janvier 2017 à La Halle aux Grains, Blois
Le 12 janvier 2017 à SN 61, Scène nationale d’Alençon
Les 21 et 22 mars 2017 au Théâtre du Ducourneau, Agen
Le 31 mars 2017 à l’ACB, Scène nationale de Bar-Le-Duc
Les 5 et 6 mai au Grand Théâtre du Luxembourg, Luxembourg ville

 

La Bonne Éducation loupe Crédit photo © Arthur Péquin

C’est le deuxième diptyque sur des pièces en un acte de Labiche que Jean Boillot, directeur du NEST de Thionville, monte coup sur coup, avec la même équipe de comédiens et dans la même structure scénographique. Le premier intitulé « Animals » avait pour thème une vision zoologique des mœurs de la bourgeoisie en axant un tir nourri sur les différentes façons de parasiter cette bourgeoisie. Ce second volet prend pour cible l’éducation que les bourgeois donnent à leurs enfants et celle qu’ils exigent d’eux : la bonne éducation.

Un titre en pied de nez car d’éducation il n’y en a quasiment aucune trace dans aucune de ces deux histoires même si le personnage central est en effet à chaque fois une enfant. Enfant tyrannique, capricieuse, éhontée et maître chanteur en herbe pour forcer les serviteurs à l’emmener au bal dans la première. Tout le contraire du deuxième portrait qui présente une fillette d’une dizaine d’années surexploitée par une pseudo nourrice qui est en fait un homme prêt à tout et n’importe quoi pour gagner sa vie le plus paresseusement possible.

On reconnaît dans l’écriture de ces deux vaudevilles l’esprit incisif, bourré de dérision et délibérément outrancier de Labiche, mais le travail de Jean Boillot et de son équipe transfigurent ces personnages, déjà peints par leur auteur à larges traits, pour en faire des démesures inimaginables, des figures de folie assumée.

C’est cette fièvre créatrice qui donne tout le rythme à ce spectacle. Un travail gestuel, musical et chorégraphique qui demande une énergie précise et généreuse aux comédiennes et aux comédiens. Et surtout un esprit d’amusement, de sens de la dérision, de plaisir dans l’exagération, l’extravagance. Un plaisir qui flirte parfois avec l’impertinence voire l’insolence saine et vitale qui est la sève de l’art de la comédie depuis son origine.

Rien de tempéré, ici. Rien de raisonnable dans cette mise en scène. Seule la question de savoir jusqu’ou aller trop loin semble guider la direction d’acteur.

Alors, la folie et les rires incontrôlés finissent par être au rendez-vous de ces visions cauchemardesques et jubilatoires.

La fille bien gardée, première pièce de ce spectacle dans un registre un peu plus terne, plus appliqué, s’attache plus à poser les principes de jeu qu’à développer les péripéties de l’histoire et met un certain temps à démarrer. La seconde pièce, Maman Sabouleux, déboule-t-elle comme une tempête à chaque instant plus forte, plus impressionnante, plus dévastatrice. Mais peut-être fallait-il ce temps un peu lent à installer les choses pour que la machine Labiche prenne tout son rythme.

Dans cet exercice où ils et elles sautent d’un rôle à un autre et changent les décors à vue, la distribution est essentielle : toutes et tous sont d’une maestria impressionnante, d’un dynamisme et d’une écoute rare. Parmi eux, Philippe Lardaud crée avec classe une baronne barbue mais évaporée et attachante ainsi qu’une fausse nourrice tout aussi ambigüe dans son genre, son opportunisme et son rapport à la petite. Quant à Isabelle Ronayette, elle incarne sans mièvrerie deux enfants de 7 et 8 huit ans aux caractères aussi ingénus que pervers.

Mais outre ces portraits gigantesques d’enfants, de domestiques et de bourgeois enfermés dans leurs propres mensonges et subissant les quiproquos inventés par l’auteur, ces pièces forment également un réquisitoire implacable contre une bourgeoisie qui délaisse la charge de l’éducation de ses enfants à d’autres et s’offense ensuite de leurs manques, de leurs verdeurs et de leurs ignorances : une charge sans pitié mais réalisée avec un bonheur d’étriper ses victimes gourmand à souhait.

Bruno Fougniès

 

La Bonne Éducation

Deux pièces en un acte d’Eugène Labiche : La fille bien gardée & Maman Sabouleux 

Mise en scène Jean Boillot 
Assistant à la mise en scène Régis Laroche
Musique Jonathan Pontier
Dramaturgie Olivier Chapuis
Scénographie Laurence Villerot
Création lumières Ivan Mathis
Costumes Pauline Pô
Collaboration chorégraphique Karine Ponties
Collaboration vocale Géraldine Keller
Construction décors Ateliers du NEST  

avec :

La Fille bien gardée :

Guillaume Fafiotte, David Maisse, Philippe Lardaud, Isabelle Ronayette, Nathalie Lacroix 

Maman Sabouleux : 

Philippe Lardaud, Guillaume Fafiotte, Régis Laroche, David Maisse, Nathalie Lacroix, Isabelle Ronayette

 

Mis en ligne le 24 octobre 2016