L’ANNONCE FAITE À MARIE

Odyssud
4, avenue du Parc, 
Blagnac 
05 61 71 75 15

Le 15 mars 2016

 

L’Annonce faite à Marie loupe 

Mardi 15 mars 2016, j’ai vu à Odyssud, Toulouse, une jolie mise en scène de L’Annonce faite à Marie du poète et dramaturge, Paul Claudel (1868-1955). Une pièce empreinte de mysticisme qui chante l’amour de la terre, la soumission de l’homme à Dieu.  Le metteur en scène Yves Beausnesne a fait le choix d’une scénographie très épurée sans pour autant rejeter la nature omniprésente dans la pièce. Accompagnés par deux violoncellistes sur une estrade en fond de scène les acteurs sont au centre du processus de communication théâtrale et ont à charge de porter le verbe claudélien, ce qu’ils font très bien, aidés notamment par le beau travail sur la relation entre les personnages : presque à chaque instant le spectateur peut avoir l’impression que les personnages sont reliés entre eux par un fil invisible.  J’ai bien aimé l’implication physique et émotionnelle de Marine Sylf et de Judith Chemla qui jouent Mara et Violaine, surtout  à l’acte à III, lorsque Mara apporte son enfant mort à sa sœur lépreuse devenue aveugle et lui demande de le lui redonner vivant.  

À l’acte IV, il semble pourtant manquer un petit quelque chose. Cependant ce petit quelque chose est probablement très difficile à obtenir car il pourrait être lié au paysage intérieur, à l’habitus des uns et des autres  et à la matrice culturelle dans laquelle ils baignent. Et le récit du départ de Violaine par des images vidéos à la fin de l’acte II, rassure le spectateur plutôt que de le plonger dans l’angoisse existentielle ou l’inviter à la méditation ; il le conforte dans son rôle de consommateur d’images, d’histoires rassurantes ou pas d’ailleurs mais que le silence effraie plus que tout. L’Annonce faite à Marie est structurée par des départs et des absences qui conditionnent l’évolution des personnages. Acte I, départ de Pierre de Craon atteint de la lèpre, départ  en pélerinage de Anne de Vercors ; Acte II, départ en réclusion de Violaine ; Acte III, on apprend la  mort de la mère ; Acte IV,  retour de pélerinage de Anne de Vercors avec sa fille Violaine mourante dans les bras, retour de Pierre de Craon remis de la lèpre, mort de Violaine. Pourquoi avoir refusé de confronter le spectateur à cette absence à l’œuvre dans l’œuvre ? Or il semble que les sociétés contemporaines ne cessent d’être travaillées par l’absence qui se traduit par un retour vers la religion, la consommation compulsive de sexe, de drogues, d’antidépresseurs, l’incapacité à accepter le manque, le refus... Dans l’Annonce faite à Marie l’incapacité à accepter le manque et la frustration est représenté par Mara et est dénoncée comme étant le mal ; le dépouillement de tout ses biens matériels pour aller à la rencontre de soi et ou de Dieu est représenté par Anne de Vercors tandis que l’acceptation du manque, de la frustration  et des souffrances à la fois psychologiques et physiques engendrées est représentée par Pierre de Craon et Violaine. Les deux sont récompensés : Pierre de Craon est délivré de la lèpre, l’enfant de Mara reprend vie dans les seins de Violaine, ses yeux deviennent ceux de Violaine et non plus ceux de Mara. L’enfant devient par ses ressemblances physiques celui du couple légitimé par la loi du père : Violaine et Jacques tandis qu’il cesse d’avoir toute ressemblance avec celle qui l’a porté : Mara.

Nous sommes deux hommes homosexuels mais nous voulons quand même être appelés père et mère, nous sommes deux femmes homosexuelles mais nous voulons quand même être appelés père et mère comme si on avait déjà vu quelque part dans la nature que de l’union de deux hommes ou de deux femmes  naissaient des enfants ; nous avons un pénis et nous exigeons un vagin, nous avons un vagin et nous exigeons un pénis bientôt nous exigerons de naître hermaphrodite et nous dresserons la liste de tous les inconvénients d’être né et nous exigerons de l’État des dédommagements. Notre orgueil de petits dieux aux pieds d’argile flottant dans un univers, dont il nous faudrait des milliards d’année à la vitesse de 300 000 km/s pour pouvoir le parcourir d’un bout à l’autre, est immense. Au cœur de l’Annonce faite à Marie, il y aussi la question de l’absence et de sa prise en charge, tous les personnages y sont confrontés.

Charles Zindor

 

L’Annonce faite à Marie

Paul Claudel / Yves Beaunesne

Avec Damien Bigourdan, Judith Chemla, Thomas Condemine, Jean-Claude Drouot, Fabienne Lucchetti, Marine Sylf / Violoncelles Myrtille Hetzel, Clotilde Lacroix

Dramaturgie Marion Bernède
Scénographie Damien Caille-Perret
Lumières Joël Hourbeigt
Création musicale et partition Camille Rocailleux
Maîtrise de chant Haïm Isaacs
Création vidéo Mammar Benranou
Costumes Jean-Daniel Vuillermoz
Maquillages Catherine Saint-Sever
Assistanat à la mise en scène Marie Clavaguera Pratx et Amélie Chalmey
Régie générale et son Olivier Pot
Régie lumière Pascal Laajili
Régie plateau Eric Capuano
Habilleuse, coiffure et maquillage Catherine Bénard

 

 

Mis en ligne le 24 mars 2016