AMPHITRYON

Théâtre de l'Iris
331 rue Francis de Pressensé
Villeurbanne
04 78 68 86 49

Double « je »

 

La Compagnie de l'Iris présente une version toute chargée en symboles de l'Amphitryon de Molière.

Cette pièce nous raconte comment Jupiter attiré par Alcmène l'épouse d'Amphitryon prend l'apparence de ce dernier pour assouvir ses désirs, aidé par Mercure qui, lui, se métamorphose en Sosie, le valet – c'est d'ailleurs là l'origine du mot sosie. On y voit communément une allusion aux amours de Louis XIV qui s'embarrassait peu de principes en ce domaine.

Tout est ambiguïté dans cette œuvre, et le parti pris par Béatrice Avoine et Didier Vidal accentue encore ce propos.

La scénographie est superbe. Amphitryon est ce qu'on appelle une pièce à machines, c'est-à-dire que les moyens techniques y ont une grande importance.

Ici c'est la vidéo qui remplit cet office.

Les images projetés sur un rideau tendu sur tout le fond de scène sont souvent floutées, apparaissent, disparaissent tournoient, noyées dans un brouillard qui flotte aussi sur le plateau. Cela crée une impression de rêve, de lieu étrange où la réalité se perd, impression soulignée aussi par la bande sonore très présente, souffles, respirations, bruits nocturnes.

Sur la scène, juste un plan incliné qui pourra se dédoubler  – lui aussi ! –, et se placer en divers endroits du plateau. Un élément mobile, symbole à la fois de la couche conjugale et de la pente sur laquelle la vie des protagonistes va se trouver entraîner.

Pas de cloisons ni de portes, les personnages apparaissent ou disparaissent en semblant traverser des murs flous, participant la aussi à l'effet d'irréalité.

Les costumes très travaillés ne correspondent à aucune époque. Tissus sombres et fluides, ils se différencient par leur texture mate ou brillante. Sosie et Mercure portent rigoureusement les mêmes – ce sont les seuls en pantalon, mais des pantalons larges et bouffants ressemblant à des jupes.

Amphitryon et Jupiter sont également vêtus des mêmes pourpoints vaguement Renaissance et d'une longue et souple jupe à larges plis.

C'est intemporel, majestueux, magnifique.

Dans ce jeu trouble d'identités volées, les personnages n'ont plus de sexe défini : Sosie est jouée par une femme, Cléanthris, l'épouse de Sosie est interprétée par un homme, Alcmène a une allure androgyne, ce qui ajoute encore à la confusion.

Amphitryon est une pièce en vers libres qui offrent plus de possibilités expressives que l'alexandrin et des jeux verbaux que la prose ne permet pas.

Les comédiens se les approprient avec une maestria gourmande, la langue de Molière ne m'a jamais paru aussi belle.

Béatrice Avoine crée un Sosie saisissant, plein de bon sens,  jouant plus sur le registre dramatique que comique tant elle fait ressentir avec acuité les questions posées : qui suis-je au-delà de mon apparence ? Dépouillé de mon nom et de mon physique, comment puis-je exister ?

Didier Vidal offre un Amphitryon torturé, jaloux, et muré dans la scène finale dans un mutisme accablé qui en dit plus long que bien des discours.

« Sur telles affaires toujours

Le meilleur est de ne rien dire. »

conclut d'ailleurs Sosie avec pertinence.

 

Nicole Bourbon

 

 

Compagnie de l'Iris

Mise en scène Béatrice Avoine et Didier Vidal

Avec Béatrice Avoine, Etienne Brac, Luc Chambon,

Hervé Daguin, Emilie Guiguen, Martine Guillaud,

Jean-Philippe Proust, Didier Vidal

Collaboration artistique Audrey Co, Guy Lefebvre

Conception décor Élisabeth Clément, Béatrice Avoine, Didier Vidal

Réalisation Élisabeth Clément, Jean-Philippe Rabilloud, Benjamin Wolff

Création et régie son Jean-Philippe Rabilloud

Création et régie lumières Élisabeth Clément

Création vidéo et photos Pascal Gaze

Dessins Etienne Leplongeon

Régie vidéo Benjamin Wolff

Costumes Éric Chambon

Visuel affiche G. Ko ehl