TROP TOUT

La  Croisée des chemins Avignon
Salle Côté Cour
25, rue d'Amphoux
84000 - Avignon
+33 (0)7 84 40 78 67

à 18h30
du 5 au 28 juillet
Relâches : 8, 15, 22 juillet

 

Trop tout loupe 

Si vous aimez la norme, la conformité, le consensus, le cadre… alors, ce spectacle n’est pas fait pour vous. Si par contre, vous aimez ce qui est hors norme, hors des cadres et des figures imposées, et préférez, comme moi, une certaine forme de démesure rabelaisienne, toute en truculence, chère aux géants Pantagruel et Gargantua, au stoïcisme d’un Horace, partisan de la mesure en toute chose… alors hâtez-vous d’aller voir ce spectacle !

Nadine entre en scène. Toute de noir vêtue, écharpe et chaussures rouges. Elle est grande, elle est grasse voire grosse, elle est noire. Elle l’assume, le revendique devant nous. Elle ne se présenterait pour rien au monde, par de subtils euphémismes, comme une black, de belle taille, en légère surcharge pondérale ! Quoi qu’il en soit, cette femme est belle, dotée un charisme fou, et vous allez rester suspendus à ses paroles, à ses sourires, à l’expression de son visage, à tout ce qui émane d’elle, bref à sa grande générosité de début à la fin.

Dans une société où tout est normé, cadré, canalisé, mesuré, une société qui réprime autant l’individualisme, une société de masse, conforme, grégaire, Nadine n’est « pas dans la norme, mais dans l’énorme ! » Et cela, elle le sait dès sa naissance : « 59 centimètres pour 8,5 kilos, tout de même ! »

Sa vie se déroule donc hors des cadres de référence, loin des canons habituels et des standards coutumiers. Hors des codes, hors normes, hors des clous, hors des clichés : always out, never in ! Elle est toujours trop quelque chose : trop expressive, trop grosse, trop vive, trop envahissante… Mais elle se moque du paraître et du jugement d’autrui : Nadine a choisi d’être et d’assumer sans complexe sa différence ! Et comme elle a raison ; comme on se prend à l’aimer, sa différence ; comme elle nous tire du risque léthargique et du ronron du déjà vu, déjà entendu, déjà connu.

Tout au long du spectacle, elle nous parle de son sens de l’excès : vie au bureau, cohabitation avec un ado qui la juge trop autoritaire, et de sa vie amoureuse. De celle-ci, on retiendra que son mari l’a quittée après trente ans de mariage. Elle est touchante quand elle évoque la dépression qui s’en est suivie et « les plaies invisibles qui ouvrent au cœur de nos entrailles une rivière de sang. » De nouveau sur le marché amoureux, elle a des difficultés pour rencontrer un homme. « Avec les mecs, je suis pas compliqué, je suis juste moi. Vous croyez que c’est ça le problème ? », nous demandera-t-elle en toute ingénuité. Nous découvrirons ses aventures avec des hommes étranges : le bi-cheminant, l’homme des Vosges, le buveur de thé !

Nadine est étonnante ; prodigieusement étonnante, même ; époustouflante, avec une énergie folle. Elle se livre sur un ton enjoué, parfois poétique ou grave, mais toujours sincère, et sait se moquer avec grâce de ses propres travers.

On rit donc beaucoup avec une succession gags, de situations hilarantes. « Tout est vrai dans ce spectacle, ou du moins tiré de la réalité de ce que j’ai vécu », nous dit Nadine à la sortie du spectacle. Voilà qui est également stupéfiant !

Mais au-delà de sa dimension éminemment comique, ce spectacle nous amène à réfléchir sur les notions de tolérance et de droit à la différence dans une société qui les proscrit trop souvent.

Vous aurez compris : l’on aime particulièrement ce très beau spectacle, écrit et interprété par Nadine Charvolin, mis en scène par Nadine Emin et Thomas Bobichon.

Un spectacle éligible aux P’tits Molières d’Avignon. On lui souhaite d’être élu, il le mérite !

Un spectacle qui nous donne à penser, un peu à la manière de Saint-Augustin selon lequel « la mesure de l’Amour est d’aimer sans mesure », que plus largement, la mesure de la vie est de vivre sans mesure !

Fabrice Glockner

 

Trop tout

Metteuse en scène : Nadine EMIN
Metteur en scène : Thomas BOBICHON

Avec : Nadine CHARVOLIN

Régisseuse : Noémie RICHARD

 

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Mis en ligne le 11 juillet 2019