LA NUIT JUSTE AVANT LES FORÊTS

THÉÂTRE DE L' OULLE
19, place Crillon
84000 - Avignon

Lundi 17 juillet à 15h10

 

La Nuit juste avant les forêts loupe 

Organisée par François Vila, cette rencontre est un anniversaire en forme d’hommage à Bernard-Marie Koltès. En effet, c’est dans cette même salle du théâtre de l’Oulle (qui s’appelait alors l’Ancien Hôtel des Ventes) qu’il y a 40 ans jour pour jour avait lieu la première de la pièce « La Nuit juste avant les forêts ».

L’occasion est belle de faire raconter par les protagonistes de l’époque les avant et les après de cette création mais aussi d’évoquer la manière avec laquelle Koltès est devenu en quelques années un auteur incontournable : un classique.

« Un classique c’est un texte classe ! » énonce à cette occasion Moni Grego (citant l’un de ses profs d’art dramatique) qui est l’une des invités présents sur scène.

En préambule, Denis Lavant (qui joue en ce moment Cap au Pire au Théâtre des Halles à 22h00) lit une lettre que François Koltès, frère de Bernard-Marie, a envoyée pour être lue à cet événement. Il y rappelle, dans une écriture foisonnante et engagée, la force, l’importance et  la nécessité encore actuelle de cette langue forte et expressive du dramaturge.

Puis, c’est le témoignage de Yves Ferry qui, 40 ans, jour pour jour se rappelle en direct de la première fois où il a proféré « La Nuit juste avant les forêts » sur cette scène même. Un texte que Koltès avait écrit à son intention. Un projet qu’ils avaient engagé quatre mois auparavant, répété dans une salle prêtée, rue du Renard à Paris, et une descente sur Avignon, sans un sou en poche, sans savoir où ils pourraient jouer.

Mais l’histoire commence quelques années avant, raconte Yves Ferry. Alors qu’il était encore élève de l’Ecole de Strasbourg, il assista à l’arrivée de Koltès qui, venant de Metz, avait envoyé une lettre à Hubert Gignoux, directeur de l’école et de la Comédie, pour l’inviter à voir une représentation de « Les Amertumes » d’après Enfance de Gorki qu’il avait écrite et mise en scène. À la suite de quoi, Hubert Gignoux le décida à intégrer l’Ecole dans la classe de Mise en scène.

Une des premières aventures qui lia les Yves Ferry et Bernard Koltès fut une autre adaptation : Le Procès Ivre d’après Crime et Châtiment de Dostoïevski qu’ils jouèrent neuf fois lors d’une tournée en Bretagne. Puis sortis de l’école, ils se retrouvèrent à Paris, en 1977, projetant soudain en mars une création qui les emportera à Avignon avec l’aide généreuse de, entre autres, Jean-Paul Wenzel et Louise Doutreligne qui leur envoyèrent des chèques pour qu’ils survivent pendant le festival. Un festival où, on l’apprend d’une lettre que Bernard Koltès envoya à sa mère peu avant le départ vers le sud, un festival où il n’avait aucune envie d’aller.

Et pourtant, les représentations qui commencèrent avec peu de public sinon les amis comédiens de passage, commencèrent à attirer l’affluence de jour en jour plus nombreuse. Une pièce qui devint alors comme la première pierre de son œuvre puisque c’est à sa suite qu’il décida de se consacrer dorénavant à l’écriture, abandonnant la mise en scène et le jeu.

Pour la suite de l’histoire, c’est à Moni Grego de parler : elle faisait partie des amis venus voir à plusieurs reprises la création de cette pièce et donner la main au projet en flyant dans les rues. Elle est le témoin du bouleversement que ressentent ces premiers spectateurs qui éprouvent pour la première fois ce flot de parole quasi interrompu de plus d’une heure qu’interprète Yves Ferry.

C’est par la suite que Koltès lui confiera la mise en scène de ses textes, c’est lui qui lui donnera le goût de la mise en scène…

C’est un hommage sans cérémonie qui continue ainsi, où les invités rappellent leurs souvenirs, et disputent fraternellement du passé et de l’œuvre de Koltès. Puis, sorti du public où il assistait à la rencontre Abbi Patrix (qui joue en ce moment Loki à Présence Pasteur) intervient pour raconter qu’en 1978, lui aussi eu la tâche d’être celui pour qui Bernard-Marie Koltès écrivit un texte. Car Koltès écrivait pour les comédiens. Ce fut Salinger, une commande de Bruno Boëglin.

Toutes ces années furent celles qui précédèrent les années Chereau. Celles de la découverte, de la formation, des choix, celles de la jeunesse et des difficultés pour créer, des aventures sans garde-fous.

Un très beau moment d’évocation qui montre à quel point Koltès et sa prose furent un renouvellement du jeu, de la mise en scène et du sens et de la force que pouvait prendre un texte sur un scène porté par un comédien avec cette conscience que le texte lui-même et en lui-même est porteur et de sens et de visions et de beauté.

Bruno Fougniès

 

Version imprimable

 

Mis en ligne le 18 juillet 2017