VOLPONE

 Le Ranelagh
5 rue des vignes
75016 Paris.
01 42 88 64 44
Du mercredi au samedi à 19h, matinée samedi à 14h et dimanche à 15h
Relaches exceptionnelles : 1er avril et 11 mai

Ça y est, Ben Jonson retrouve enfin des couleurs. Explication : depuis des lustres, la seule adaptation de cette pièce du dramaturge élisabéthain, était celle de Jules Romain, fidèle, sans doute, mais un peu trop littéraire. C’est à un joyeux travail de dépoussiérage que se sont livrés Toni Cecchinato et Jean Collette. Ici on rigole, on hurle, la farce est reine. Du coup (et c’est peut-être dommage) tout le côté historique (et vénitien) a disparu : nous ne sommes plus en présence que d’intrigues pour mettre la main sur la fortune d’un riche marchand. Plus de vengeance, plus de ce machiavélisme du seigneur Volpone (le renard) bien décidé à rouler dans la farine ses prétendus amis. Il y en avait dans la pièce d’origine, filmée, on s’en souvient avec les Jouvet, Dullin et un Harry Baur qui en faisait des tonnes.

Riche marchand, donc, mais décidé à l’être encore plus, Volpone, aidé de SA précieuse Mosca, fait croire qu’il est très malade. Se succèdent alors à son chevet Corbaccio, Voltore et Corvino, chacun offrant force cadeaux pour être certain de figurer sur le testament du filou. Bien sûr, c’est l’escalade. Alors que Volpone se prétend à l’agonie, Corbaccio est prêt à déshériter son fils, tandis que Corvino va jusqu’à offrir sa chère femme à Volpone. Il y aura par la suite, des tentatives de séduction, l’intervention du fils de Corbaccio, un procès ridicule, des revirements, du mouvement. Ceci jusqu’à la chute en forme de pirouette.

La mise en scène, et là nous ne pouvons qu’applaudir, est menée rondement. Elle va chercher du côté de la Commedia dell Arte ses gestes outrés, parfois arrêtés, ses effets de voix, toute une virtuosité qui sert plutôt bien le propos.

Le décor est une sorte de dé que l’on fait tourner pour présenter, à tour de rôle, la maison de Volpone, une rue, le tribunal. Le hasard et le jeu, il est vrai, sont de la partie. Quant aux costumes, ils sont colorés, suggérant un animal, une fonction, voire une époque. Mais si Mosca fait business woman, avec des lunettes d’écaille, Volpone arbore le grand manteau de velours des seigneurs d’antan.

Au-delà de la truculence des acteurs et de la précision de leur jeu, il faut souligner l’inventivité de certaines scènes : les juges sont deux marionnettes, la transformation finale de Mosca épate et l’on ne saurait trop insister sur le personnage de Volpone. Ici, on en a fait une sorte de faune, un méchant de film muet, qui tire véritablement tout le spectacle vers l’incongru, le surréalisme. Bien servi par l’acteur, il saute sur son lit, roule des yeux lubriques, ou batifole avec des créatures troublantes et masquées. C’est un véritable festival qui se déroule devant nous et ce personnage, en creux habituellement, devient ici pivot. Mais ceci ne se fait cependant pas au détriment de l’équilibre de la pièce : les autres comédiens sont, et comment, au diapason.  Un spectacle enthousiasmant, donc.

 

Gérard Noël

 

 

En son temps, (XVIIème siècle), Ben Johson était aussi connu que Shakespeare, son ami et rival.

Il a écrit ce Volpone que nous donne à voir le si joli théâtre du Ranelagh dans une adaptation de Jean Collette et Toni Cecchinato.

Alfred Le Renard, Céline Sorin, assistés deYannick Rosset en livrent ici une mise en scène tout à fait réjouissante.

La pièce d'origine, en vers et en cinq actes, dénonçait sous la  forme d'une satire exubérante la perversion des relations entre individus que pouvait créer le culte de l'argent roi.

Volpone, (le renard) riche célibataire fait croire à sa mort prochaine afin de recevoir les derniers présents de ses amis.

Ces derniers, aux noms évocateurs, Voltore (le vautour), Corbaccio (la corneille), Corvino(le corbeau) se livrent alors à une surenchère de présents dans le but d'être couchés sur son testament, quitte à sacrifier leur fortune actuelle, leur honneur et même leur épouse.

Mais Mosca, (la mouche), machiavélique âme damnée de Volpone, volète au-dessus de tout ce petit monde, les aiguillonne et les dirige à sa guise.

Cette pièce est une farce bouffonne et baroque et c'est bien cet esprit-là qui est ici respecté mais démultiplié, exagéré à outrance, dans une fantaisie exubérante et  débridée mais parfaitement maîtrisée tout à fait jubilatoire.

Tout est étudié dans le moindre détail pour aboutir à ce mélange de Fellini et de Commedia dell Arte, les costumes bariolés, les maquillages excessifs, les coiffures suggérant l'animal dont les personnages portent le nom, les jeux de lumière, l'univers sonore, les déplacements et enfin le jeu outrancier des comédiens, caricatural mais toujours d'une extrême justesse, tirant parfois de la pantomime, dans une remarquable direction d'acteurs d'une exigence sans faille.

Ajoutons-y le décor d'une grande ingéniosité : un cube qui s'ouvre et se ferme, tourne au gré des scènes, chaque face offrant un lieu différent et permettant une grande fluidité des entrées et sorties des personnages, écrin dans l'écrin que constitue le théâtre lui-même, dont les sombres et superbes boiseries s'accordent parfaitement à cet univers hors du commun.

Le plaisir est total, on se laisse emporter sans réserve dans cet incroyable tourbillon qui se termine comme une fable : tels sont pris qui croyaient prendre.

 

Nicole Bourbon

Volpone d'après Ben Jonson

Adaptation : Jean COLLETTE et Toni CECCHINATO
Mise en scène : Alfred LE RENARD, Céline SORIN
Assistant à la mise en scène : Yannick ROSSET
Conseiller artistique : Serge PAPAGALLI
Création musique : Samir DIB
Scénographie : Daniel MARTIN
Costumes et perruques : Marie-Ange SORESINA
Masques et Marionnettes : Christophe KISS
Création lumières : Arnaud VIALA
Maquillage : Johannita MUTTER
Diffusion : En Votre Compagnie

Avec : Grégory BENOIT, Samir DIB, François JUILLARD, Anne MINO, Yannick ROSSET, Céline SORIN.