UN STYLO DANS LA TÊTE

Théâtre des Nouveautés
24 Bd Poissonnière
75002 PARIS
01 47 70 52 76
Du mardi au samedi à 20h30 plus samedi à 17h et dimanche à 16h.

 

L’auteur de cette comédie, Jean Dell est par ailleurs comédien et on dit parfois que seuls les comédiens peuvent écrire « bien » pour d’autres comédiens.

 Après avoir commis plusieurs pièces avec son alter égo Gérard Sibleyras, (citons « Le béret de la tortue », « l’inscription » et surtout le remarquable et hilarant « Vive Bouchon ! »…) le voilà qui se lance seul.  

Francis Perrin a accepté de jouer cet écrivain qui trouve judicieux, pour « faire vrai », de s’inspirer d’amis proches  pour écrire sa nouvelle pièce. C’est là, bien sûr, que les difficultés commencent pour l’auteur, Victor Aubrac, et aussi pour le vrai, Jean Dell. Comment renouveler le genre ? Comment faire rire avec des anticipations, des réactions ? Choisir, par exemple des types. Et quels types ! Une flippée, une emmerdeuse, un abruti (ex de madame) et, last but not the least, un homo. « Pourquoi un pédé ? demande ce même personnage ? Parce qu’on fait rire ! » On craint le pire. On a tort. Jean Dell a intégré la logique de ce nouveau boulevard, nourri de café-théâtre, qui ne craint ni la situation poussée, ni la réplique vacharde. Il est (il s’agit toujours de Jean Dell) l’homme de la synthèse : synthèse entre anciens et modernes, fans de divertissement et spectateurs avertis. Il ratisse large, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il mange à tous les râteliers.

Assez vite dans la pièce, sitôt réalisée l’entrée en scène des personnages, le spectateur a les codes : l’abruti sera abruti, la flippée craquera à plusieurs reprises, l’emmerdeuse aura des colères et gardera en permanence son air buté de mal-aimée (ce qu’elle est, en plus). Seul, l’homo de service, Raphaël de son prénom, fera preuve de finesse, évoluera quelque peu, et sera même touchant.

Le personnage de Francis Perrin, curieusement, n’est pas l’élément le plus drôle : il réagit aux autres, il est une sorte de clown blanc et, sauf dans l’épisode dit « du tri sélectif », il est plus raisonneur et sur la défensive que franchement comique. Ce qui n’est pas un problème.

La pièce, vaille que vaille, va son bonhomme de chemin : Victor clame : « L’auteur est un prisme. Si Zola écrivait vingt volumes, moi, j’écris 110 pages, Houlgate !  – ça se passe à Houlgate ? – Non, à St Tropez !». Le ressort de la tromperie, vite envisagé, est assez rapidement évacué. Et c’est tant mieux. Il donne tout de même lieu à cet échange : « – On a couché ensemble, … trois ou quatre fois ?  – Dix fois ! – Déjà ? – Ce trimestre ! »

Cris, disputes, débats, … et tout ceci pour une pièce dont les personnages savent qu’ils l’ont inspirée, mais ils ne la connaissent pas encore. On finit par leur distribuer le texte et la pièce peut rebondir pour aller, disons-le, vers plus de densité. De sérieux.  Dell frôle quelque chose d’un peu pirandellien, mais continue à ne pas mégoter pour autant sur les effets comiques.

Pour conclure, on passe une soirée plutôt divertissante. Le public rit à la moindre pique, guette l’effet, le trouve et s’en réjouit.

Jean-Luc Moreau a agencé la chose avec le brio qu’on lui connaît. Les quatre jeunes comédiens se tirent plus qu’honorablement de leurs rôles. Une mention spéciale à Anne Canovas, qui mélange heureusement fragilité et drôlerie. Francis Perrin atteint à une sorte de vertige dans la frénésie. Il colle au rôle de Victor, se l’approprie, … le magnifie.

 

Gérard NOEL

 

 

Un stylo dans la tête

de Jean Dell
Mise en scène de Jean-Luc Moreau assisté de Anne Poirier-Busson
Avec Francis Perrin, Anne Canovas, Sophie Gourdin, Xavier Goulard, Valérie Even, Èric Boucher

Lumières Gaëlle de Malglaive
Costumes Emmanuelle Pertus
Musique Sylvain Meyniac