TROIS SŒURS

Théâtre Studio d'Alfortville
16, rue Marcelin Berthelot
94140 Alfortville
01 43 76 86 56

Jusqu'au 14 décembre 2013
Du mardi au vendredi 20h30, les samedis à 19h30

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Mis en ligne le 18 novembre 2013

Trois soeurs

Christian Benedetti a décidé de monter toutes les pièces de Tchekhov, dans l'ordre où il les a écrites, avec les mêmes comédiens et un même principe scénographique : un espace, les accessoires nécessaires à chaque pièce, quelques éléments de costumes, l'essentiel, rien d'autre. Une nudité qui ne s'appuie que sur l'implication des comédiens et un texte.

Trois sœurs est la troisième pièce montée avec ce principe.

Mais rien de systématique dans l'approche de chaque œuvre. Il ne s'agit pas d'un défi gratuit, ni d'une tentative de performance. Le but de cette démarche est de créer une nouvelle rencontre entre Tchekhov et les spectateurs d'aujourd'hui. Une autre manière de recevoir sa pensée. Chaque pièce sécrète sa mise en scène particulière.

Un jeu vif, rapide, scandé, investi, à l'image de ces personnages aussi vivants, distraits et occupés d'eux-mêmes que n'importe quel passant rencontré dans la rue. Certains se plaindront qu'une partie des répliques échappent à la compréhension, mais elles sont pourtant là, portées à chaque seconde par une réelle pensée. À chaque spectateur la liberté d'y puiser.

« Si Tchekhov disait que ses pièces étaient des comédies, c'est, selon moi, parce qu'il pensait que cela devait se jouer dans un rythme de comédie, vite. » C. Benedetti.

Cette vie pleine de doutes, de regrets, d'espoirs et d'élans insensés qui est comme la matière Tchékhovienne, cette vie qui, dans d'autres mises en scène, donne juste l'impression confortable d'un doux-amer, cette vie est ici d'une amertume sans fin, d'une drôlerie décapante et d'une violence fantastique.

Benedetti n'aime pas laisser les spectateurs en paix dans leur confort. Il ne veut pas seulement les faire rêver, les faire imaginer, il les aime dérangés, contrariés dans leurs places de spectateurs. Il ne tient pas à ce que le théâtre soit juste spectacle. Une histoire jolie ou triste, une histoire qu'on raconte, des personnages dont on suit les déboires, les luttes et les aventures en rêvassant.

Sans doute a-t-il craint cet endormissement devant la vitalité poignante qui émane des Trois Sœurs, peur de cette fascination qui peut parfois anesthésier le jugement et la pensée, comme lorsque l'on reste une heure à regarder béat, un feu d'artifice dans le ciel, repos de l'esprit. Aussi, la pièce s'interrompt par moment. Tous se figent quelques secondes. Plus ou moins longtemps. Comme en image arrêtée. Un silence. Un vide totalement partagé entre les interprètes et le public. La même attente. Comme l'attente du réveil. Ce n'est pas un ange qui passe, c'est la mort qui rôde, invisible, impalpable.

Mais quel moment réjouissant que de voir deux cents personnes et la dizaine d'acteurs qui sont à ce moment sur le plateau, scruter attentivement, dans un silence presque religieux, une toupie. Elle tourne sur le sol du plateau, elle hésite, elle repart, tous les yeux s'écarquillent, va-t-elle s'arrêter maintenant ? Elle penche. Sa vitesse finit par s'essouffler. Elle tombe sur la tranche. Et la pièce continue.

Il faut aller voir ces trois sœurs pour ses interprètes, sa singularité, sa nudité, sa noblesse et pour ressentir, face aux destins qu'il nous est donné d'entrapercevoir, l'amertume extrême. Plus que de l'amertume, c'est de l'astringence que l'on ressent, celle qui assèche la gorge et donne soif, une soif de vie inextinguible.

Car au fond de cette amertume lucide et déchirée, surgit une beauté, une beauté qui n'est pas esthétique ni artistique, mais une beauté humaine.

Bruno Fougniès

 

 

Trois sœurs

Auteur Anton Tchekhov
D'après la traduction d'André Markowicz et Françoise Morvan
Mise en scène Christian Benedetti
Assistante à la mise en scène Elsa Granat
Lumière Dominique Fortin
Costumes Lucie Ben Bâta et Chantal Rousseau
Maquillage Alexandra Petry
Postiche MTL
Enregistrement piano Cécile Maisonhaute
Mixage Laurent Codoul
Collaboration scénographie Jane Joyet
Stagiaire scénographie Samuel Chochon

Avec : Christian Benedetti, Mathieu Barbet, Christine Brücher, Gaspard Chauvelot, Philippe Crubézy, Daniel Delabesse, Claire Dumas et Elsa Granat en alternance, Laurent Huon, Florence Janas, Xavier Legrand, Jean-Pierre Moulin, Nina Renaux, Isabelle Sadoyan et Jenny Bellay en alternance, Stéphane Schoukroun.