TRAHISONS

Théâtre Montmartre Galabru
4 rue de l'Armée d'Orient, (face au 53 rue Lepic). 
75018 Paris
tél : 01 42 23 15 85

Jusqu’au 25 février 2016
les jeudis à 20h00

 

Trahisons loupe 

On sait qu’Harold Pinter est le roi du non-dit et sa pertinence en matière de rapports humains (conjugaux, notamment) n’est plus à prouver. Cette pièce, « Trahisons », se penche à nouveau sur le triangle épouse-mari-amant, mais en le revisitant de façon singulière : ici, la pièce commence par la fin. Deux amants, donc, se retrouvent, quelques années après avoir vécu une liaison durable. Et voici qu’on remonte le temps, à travers des dates-clés, une lettre révélatrice (qui éclairera le mari, Robert) lors d’un voyage en Italie, le choix d’un studio meublé, pour y abriter la relation. Puis les instants volés et pour finir, la rencontre. Ce qui est intéressant, ce sont les mensonges qui circulent, les risques de se « couper », qu’on appréhende, ce jeu quasi mathématique que sont les relations mondaines et amoureuses. Un nommé Casey sert à la fois de repoussoir et d’objet de fascination : au point qu’on se demande même, à la fin, s’il n’est pas le nouvel amant d’Emma ?

Pinter avec son écriture « blanche » avant la lettre, travaille cette matière humaine d’un scalpel précis : on rit, on est glacé aussi, grâce à un texte d’une rare efficacité. Grâce aussi à la mise en scène inspirée qui suggère beaucoup et s’appuie sur des moyens simples, une table qu’on partage, un fauteuil occupé par l’un ou par l’autre, deux espaces (et plus) qui se dessinent sur scène. Les comédiens, à commencer par Meryl Beaudonnet donnent leur meilleur. L’interprète d’Emma est tour à tour inquiète ou aimante, enjouée ou méditative. Elle est entre ces deux hommes, la manipulatrice ou la manipulée… on ne sait pas trop. Enfin, on se dit, à plusieurs reprises que l’adultère à l’anglaise, dans ces années-là, n’était pas forcément une partie de plaisir.

Rémi Jonhsen, est l’éditeur prénommé Jerry. L’amant. Mais un amant qui a une vie de famille, deux enfants et qui ne dédaigne pas de faire un squash ou de déjeuner avec son vieil ami Robert. Dans ce rôle de mari, Emmanuel Gruat est d’une grande finesse : sa placidité apparente se craquelle à quelques reprises. De même que les répliques de Pinter cachent des abîmes, lui cultive l’insouciance jouée et des silences lourds de sous-entendus.

Magie du théâtre, une troupe de trentenaires s’empare de la pièce de Pinter pour la faire revivre. Et beaucoup de jeunes (et moins jeunes) viennent les applaudir. N’hésitez pas à être du nombre.

Gérard Noël

 

Trahisons

Mise en scène : Sarah Denys, Meryl Beaudonnet.

Avec : Meryl Beaudonnet, Emmanuel Gruat, Rémi Jonhsen, Jean-Charles Garcia.

 

Mis en ligne le 18 février 2016