SOLNESS CONSTRUCTEUR

Au théâtre du Garde-Chasse (Les Lilas)
les 23 novembre et 3 décembre 2012 à 20h45

Au théâtre de l'Opprimé (Paris) du 19 au 22 décembre 2012.
Puis en tournée.

 

Il y aurait beaucoup à dire et long à écrire sur ce « Solness », produit par la Divine Comédie. D'abord le texte : ce n'est pas une des meilleures pièces d'Ibsen. Elle n'en finit pas. Et c'est peu de dire que l'auteur explore dans tous les coins et recoins les thématiques mises en place : on pourrait citer pêle-mêle, le pouvoir, le sens de la vie, la vieillesse, la folie, …

Grand constructeur, bien que parti de rien et n'ayant pas fait d'école, Solness arrive à la fin de sa vie. Son ménage bat de l'aile, mais il a le soutien de Kaja, fidèle secrétaire et préposée au grand livre, dans lequel sont notées les réalités financières de son action. Celle-ci est fiancée à Ragnar, constructeur en devenir que Solness, craignant la concurrence de la jeunesse, ne veut pas laisser partir. Et voilà que survient une jeune demoiselle, Hilde, à qui Solness, il y a dix ans, a fait une promesse. Promesse sans lendemain, faite à une gamine ; mais celle-ci, devenue adulte, s'y accroche, n'en démord pas : c'est elle qui va faire vivre à Solness une deuxième jeunesse, …mais le pousser, aussi, à sa perte.

En dépit des pieuses déclarations du scénographe et du metteur en scène, il y a un problème de ces deux côtés : il est possible que la scène du théâtre du garde-Chasse, pas si vaste que ça, écrase un peu l'espace, l'installation du praticable au début, puis les tours suggérées ensuite, mais c'est gênant. Comme est gênant ce qui se passe en arrière-plan plus ou moins « à vue ». Outre le fait que l'on a vu cela dix mille fois, voir un ordinateur et des comédiens « inactifs », attendant que cela soit à nouveau à eux, apporte peu. Le symbolisme du fauteuil, trônant au milieu de la scène durant toute la première partie et dans lequel chacun des personnages « importants » s'installe, n'est pas de la plus grande subtilité.

Ceci dit, venons-en aux aspects positifs, qui abondent : la présence de deux musiciens sur scène est un plus, comme le fait qu'ils soient en même temps comédiens. Ils incarnent et commentent. Ils sont les satellites naturels du quatuor composé de Solness, Mme Solness, Hilde et Kaja. Le constructeur face à ses trois femmes. Tout un programme et le noeud de la pièce puisque, outre le pouvoir qu'apportent la réussite et l'argent, le rapport aux femmes est ici primordial.

On ne saurait négliger la « folie » de certains personnages. Non celle qui leur fait se passer du blanc sur le visage, blanc qu'ils effacent ensuite sans raison, mais le jeu. Le jeu de Valérie Blanchon qui module sa voix, s'emporte, court parfois dans tous les sens ou de Eléonore Joncquez, sombre et enfantine à la fois, souvent surprenante. Si l'interprétation de Claire Chastel est bien venue, sobre et maîtrisée, il faut saluer le travail de Philippe Hottier. Ce comédien porte en effet la pièce sur ses épaules. Il est toujours en mouvement. Dense et frénétique quand il le faut. Dosant la roublardise, l'accablement ou la colère au degré près. Il est là, bondissant, en Solness prêt à repartir à l'assaut de ses rêves de grandeur, de jeunesse.

Puisqu'il en est question dans le texte, disons que c'est un troll. Et un ogre tout à la fois. À lui et à ses partenaires féminines, le spectacle doit beaucoup.

 

Gérard NOEL

 

 

Solness constructeur

de Henrik Ibsen
Mise en scène : Jean-Christophe Blondel.

Avec Valérie Blanchon, Jean-Luc Cappozzo, Claire Chastel, Benjamin Duboc, Philippe Hottier, Eléonore Joncquez, Michel Melki.

Musique : Jean-Luc Cappozzo, Benjamin Duboc.
Scénographie : Marguerite Rousseau.
Lumières : Tatiana Elkine (JTN)  
Costumes : Tormod Lingren.
Assistanat : Claire Chastel

 

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