RITUEL POUR UNE MÉTAMORPHOSE

Comédie Française, Salle Richelieu
1, Place Colette
75001 Paris
Jusqu'au 11 juillet 2013
Durée du spectacle : 2h15 sans entracte

Rituel

La Comédie Française nous fait voyager dans la Syrie de Saadallah Wannous en interprétant pour la première fois un texte arabe, force symbolique évidente.

Cela commence par une danse orientale lascive et enchanteresse d'une courtisane, Warda, qui attire dans ses bras le prévôt, interprété par Denis Podalydès aussi convaincant dans le rôle de « prévôt des plaisirs et de l'adultère plutôt que prévôt des notables » que dans celui du mari adultère démasqué par sa femme, tel un enfant ayant fait une grosse bêtise.

Le thème est donné : le texte s'attache à mettre à nu au propre comme au figuré les secrets des alcôves des hommes des hautes sphères. Courtisanes et travestis côtoient alors gendarmes et Mufti jusqu'à semer le trouble. Le Mufti accuse les femmes, tentatrices invétérées en lançant dans un geste désespéré une fatwa sans merci. Quant aux femmes, elles tentent d'expliquer leurs traumatismes. Ce sont les perversions des hommes qui ont poussé les deux personnages féminins principaux à devenir courtisanes. Warda qui envoûte le prévôt, est magnifiquement interprétée par Sylvia Berger, toute en séduction et audace. Mou'mina, la femme de celui-ci – interprétée par Julie Sicard, elle, fait le choix de devenir courtisane après la tromperie de son mari, devenant l'emblème de la femme désireuse de se « défaire des cordes » et de gagner ainsi son émancipation.

Tous sortiront métamorphosés de l'aventure ayant enfin dévoilé leurs désirs enfouis.

Le choix d'une succession de scènes très courtes qui s'enchaînent et se superposent est intéressant, s'appuyant sur un texte très vivant, entre jeux de mots et injures. Le thème de cette pièce peut certes paraître quelque peu classique voire stéréotypé pour nos yeux contemporains mais pour ma part, j'ai vraiment été séduite par ce voyage, grâce au jeu des acteurs ainsi qu'aux somptueux décors, superbe scénographie, véritable enchantement pour les yeux.

Et même si le thème semble universel, l'ancrage historique et social est intéressant : considérée comme subversive, cette pièce a très peu été jouée en Syrie. Sans doute peut-on y voir en filigrane des références à un 'Islam ultra religieux, encore faut-il être connaisseur. Ce qui est évident, c'est la dénonciation de la société patriarcale de la Syrie des années 1860, où les hommes apparaissent tout puissants face à des femmes qui ne semblent avoir que deux issues : se prostituer ou être soumises. Allusions à certaines sociétés actuelles où c'est encore et toujours l'homme qui domine ?

 

Ivanne Galant

Rituel pour une métamorphose

de Saadallah Wannous

Mise en scène de Sulayman Al-Bassam (collaboration de Rania Samara)

Avec la troupe de la Comédie Française :

Thierry Hancisse : le Mufti
Sylvia Bergé : Warda
Denis Podalydès : Abdallah et Cheikh Muhammad
Laurent Natrella : Ibrahim et Izzat
Julie Sicard: Mou'mina/ Almâssa
Hervé Pierre : Hamid et le Geôlier
Bakary Sangaré : Abdo et le Gouverneur
Nazim Boudjenah : Afsah, Safwân et un gendarme
Elliot Jenicot : Abbâs et le Domestique
Marion Malenfant : la Servante, Basma et l'Eunuque
Louis Arène: Soumsom et un gendarme 

Équipe artistique :
Mise en scène et version scénique : Sulayman Al-Bassam
Traduction et Collaboration à la version scénique : Rania Samara
Assistantes à la mise en scène : Stéphanie Leclercq et Cécile Falcon
Dramaturgie : Georgina Van Welie
Scénographie : Sam Collins
Costumes : Virginie Gervaise
Lumières : Marcus Doshi
Musique Originale: Yasmine Hamdan
Maquillages et Coiffures : Cécile Kretschmar
Assistante aux maquillages : Laurence Aué
Chorégraphie : I COULD NEVER BE A DANCER