PARTAGE DE MIDI

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie
Route du Champ-de-Manoeuvre
75012 Paris
Tél: 01 43 28 36 36
du 18 janvier au 24 février 2013
du mardi au samedi 20 h, dimanche 16 h

 
Photo : Antonia Bozzi

En 1901 Paul Claudel, jeune diplomate français, n'ayant pu réaliser son vœu d'entrer dans les ordres, retourne en Chine pour rejoindre son poste de consul.

Durant la traversée, il tombe éperdument amoureux d'une femme mariée et mère de famille avec laquelle il vivra une liaison scandaleuse. En août, la jeune femme, enceinte, quitte la Chine pour cacher sa grossesse. Rien n'annonce qu'il s'agit d'une rupture mais, sur le bateau du retour, elle s'éprend d'un autre homme.

Fou de douleur Claudel, pour échapper au suicide, entreprend la rédaction de Partage de Midi dont il dit lui-même, dans une lettre à Francis Jammes en 1906, qu'il s'agit d' « un drame qui n'est autre que l'histoire un peu arrangée de mon aventure ».

Sur le bateau qui les emmène en Chine, quatre personnages : Amalric, aventurier joyeux et sans scrupules, Mesa, jeune diplomate, chrétien ardent à peine sorti du monastère, De Ciz, négociant désireux de faire fortune et Ysé, l'épouse de ce dernier, autour de laquelle gravitent les trois hommes, comme la terre et les planètes gravitent autour du soleil, femme partagée entre – mais aussi par – un mari et deux amants.

Tous quatre se sentent au mitan de leur vie, d'où le titre qui renvoie à ce « milieu du chemin de notre vie » mentionné dans La Divine Comédie, à ce midi qui est l'heure de la coupure, du partage du jour.

L'histoire s'étire spatialement et temporellement, les trois actes de la pièce suivant la progression du jour. À l'éclat aveuglant du soleil de midi sur le bateau succède le crépuscule du cimetière de l'acte II où Ysé et Mesa donnent libre cours à leur passion, puis la nuit mortifère de l'acte III où tout s'achève dans une déflagration qui s'inscrit dans le contexte historique de la violente insurrection anticolonialiste des Boxers. À la fin de cet acte, Ysé apparaît à Mesa moribond sans que l'on sache s'il s'agit d'un rêve ou de la véritable Ysé revenue pour s'engager, avec Mesa, sur le chemin de la vie éternelle.

Trois actes, trois décors, composant, avec les personnages, des tableaux où les personnages, d'abord figés, s'animent progressivement.

Sans être un spécialiste des techniques cinématographiques, on a l'impression que le metteur en scène a souhaité donner l'illusion de plans-séquences.

Cela est particulièrement sensible à l'acte I où le spectateur aperçoit au loin, dans la transparence du rideau, le pont d'un bateau comme à travers un écran de brume, avec, se découpant derrière le bastingage d'un pont supérieur, la silhouette immobile d'une femme. Puis le rideau s'ouvre et apparaissent les autres personnages, comme dans un plan d'ensemble.

Plutôt abjects, les protagonistes, malgré leur dimension mythique et leurs déchirements, sont dignes d'un vulgaire fait divers, fût-il biblique (on pense aux amours adultères de David et Bethsabée où le roi s'arrange pour faire mourir au combat le mari de cette dernière), et ne suscitent ni sympathie ni empathie.

Les comédiens collent particulièrement bien au physique de leurs personnages.

Mila Savic est Ysé, cette « grande bête piaffante », cette « jument de race » que décrit Amalric ; Ludovic Le Lez a la décontraction, la souplesse, le physique de baroudeur d'Amalric ; Mickaël Pinelli campe un Mesa emprunté, avec sa petite taille et son strict costume de clergyman rappelant sa vocation contrariée ; quant à Matthieu Marie, il traverse la pièce de sa silhouette élégante et insignifiante.

Disons le d'emblée, Partage de Midi n'est pas d'un abord facile. Pourtant, grâce à sa mise en scène, Philippe Adrien, directeur du Théâtre de la Tempête, a su nous rendre accessible cette pièce réputée injouable et écrite en vers qui n'avaient « ni rime ni mètre », dans une langue volontairement fautive et « bizarrement construite », qui fait flèche de tout bois.

 

Élishéva Zonabend

 

 

Partage de Midi

De Paul Claudel
Mise en scène Philippe Adrien

Avec :
Ludovic Le Lez Amalric
Matthieu Marie De Ciz
Mickaël Pinelli Mesa
Mila Savic Ysé
Décor Elena Ant

Lumières Pascal Sautelet assisté de Maëlle Payonne
Musique et son Stéphanie Gibert
Vidéo Michaël Bennoun
Costumes Hanna Sjödin
Maquillages Sophie Niesseron
Collaboration artistique Clément Poirée
Direction technique Erwan Creff
Production : ARRT/Philippe Adrien, compagnie subventionnée par le ministère de la Culture et la Ville de Paris, en coréalisation avec le Théâtre de la Tempête.