MADAME MARGUERITE

Théâtre ESSAION
6 rue Pierre au lard
75004 PARIS
jusqu’au 30 Décembre 2011
du jeudi au samedi à 21h30 le dimanche 18h
01 42 78 46 42

Finalement, dans tout ceci, il y avait une part d’erreur. Précisons : lors de la  présentation de cette pièce dans les années 70, l’interprète (brillante) jouait une enseignante cyclothymique qui prenait le public pour ses élèves de CM1, délirait sur les matières à enseigner et sa hiérarchie, promettait de se mettre à poil en balançant des insanités à tout va. On l’a vu comme ça et on a eu tort.

En ce moment, au théâtre Essaïon, Geneviève Tourret nous présente la pièce dans sa version authentique. Cette œuvre du brésilien Roberto Athayde témoigne, en fait, d’une dictature. La malheureuse Mme Marguerite est enfermée en prison, peu rassurée sur le sort qui l’attend. Alors elle joue, elle joue à faire la classe à une poupée et un baigneur, elle se fige quand retentissent des bruits de pas ou d’arme, elle surveille aussi son langage. Elle guette, mine de rien, une porte qui s’ouvrirait, LA menace que cela signifierait. Elle refuse surtout de prendre les petites pilules blanches qu’on veut régulièrement lui faire ingurgiter.

Il est certain qu’avec cet éclairage nouveau (le bon, en fait) tout prend une autre signification : ici pas de bureau mais une paillasse et un seau. Le tableau, Mme Marguerite le tire de sous son lit. Comme les photos nécessaires à un exposé. On peut déplorer qu’on n’ait pas voulu (ou pu) re-changer la traduction de J.L Dabadie.  Qu’on parle de la France, que la chanson chahutée par l’héroïne enfant soit « Maréchal, nous voilà ! » surprend. Cela peut, à quelques reprises, faire décrocher du propos.

Mais l’essentiel et là, … et il porte : La rigueur affichée de la maîtresse, sa hantise des microbes, la biologie, l’obsession de la mort.  Dans cette classe qui fait un peu office de psychanalyse sauvage, Mme Marguerite assène des vérités définitives : « Tout le monde veut commander à tout le monde ! », ou encore « La division est la base de toutes les sociétés. ». Entre deux passages d’un de ses geôliers, Mme Marguerite se maquille, … et maquille sa poupée. On sent qu’on est à un tournant et, de fait, elle revient sur sa marotte, la biologie puis suggère qu’elle sait léviter. Rêve d’évasion ? Elle ne mâche pas ses mots sur le trafic de drogue et sa consommation « Dans certains pays, l’opium est la religion du peuple. » L’heure a tourné, la tension monte et nous guettons, comme elle, le retour du soldat.

Celle version est tout à fait cohérente et surtout convaincante. Avec peu de moyens, quelques éléments, une façon de suggérer, …nous sommes entraînés dans cette cellule, au milieu d’un pays qui n’est plus libre. L’arbitraire règne, il faut surveiller ses propos : « Les oreilles ont des murs ! » et craindre pour sa vie.

Geneviève Tourret a tout le talent qu’il faut. Qu’elle fasse les gros yeux, s’enthousiasme pour tel ou tel sujet, balaie d’éventuelles objections d’une phrase définitive, elle est Mme Marguerite. Quand elle doute, manque de craquer, son égarement nous touche. Elle est, en l’occurrence, bien épaulée par Adrien Leboulanger dans le rôle du soldat.

En clair et pour toutes ces raisons, il faut voir ce spectacle. Il mérite même de faire salle comble.

 

Gérard NOEL

 

 

Auteur : Roberto Athayde. Adaptation de Jean-Loup Dabadie

Mise en scène : Geneviève Tourret

Distribution : Geneviève Tourret avec la complicité d’Adrien Leboulanger