LES LOIS DE LA GRAVITÉ

Théâtre Hébertot
78bis boulevard des Batignolles
75017 Paris 
01 43 87 23 23

Jusqu’au 26 avril
Du mardi au samedi à 19h00
Dimanche à 18h00

 

Les lois de la gravité loupe

 

« La nature, elle-même, sembla décontenancée et il lui fallut une fraction de seconde pour se rappeler cette loi naturelle et indiscutable par laquelle un corps lancé dans le vide est attiré vers le bas. 
C'est un phénomène physique contre lequel il est inutile de lutter. 
» (Extrait du livre de Jean Teulé)

De son écriture sobre, précise et tellement vivante, Jean Teulé a écrit l’histoire de cette femme venue se dénoncer, un soir, dans un commissariat,  pour un crime commis dix ans plus tôt, juste avant la date de prescription.

Unité de temps, unité de lieu, nombreux dialogues, le roman semble fait pour la scène et l’adaptation de Marc Brunet lui est parfaitement fidèle.

Un commissariat où règne un grand désordre, avec sur le bureau encombré un ordinateur vieillot, une fenêtre, une porte qui donne sur un couloir et une autre au hublot grillagé qui mène aux cellules.

Voilà pour le décor, très réussi,  qui sue  l’ennui d’une fin de carrière.

Face à face, le flic de garde et une jeune femme qui vont s’affronter dans un huis clos oppressant que la mise en scène adroite, la simplicité des mots, « les mots des pauvres gens » comme le chantait Ferré, et une interprétation hors pair vont parsemer d’éclairs d’humour.

Lui, c’est Dominique Pinon. Avec son  visage buriné  bien connu du public car il est dans de nombreux films dont tous ceux de Jean-Pierre Jeunet et sa voix particulière, il campe avec une justesse remarquable ce flic bourru et fatigué qui veut juste que sa nuit de garde se passe tranquillement. Autant dire que cette femme vient bigrement le déranger avec cette idée de venir se faire arrêter pour un crime vieux de dix ans qui avait à l’époque été classé comme suicide. Il ne comprend pas. Elle a poussé dans le vide un mari violent qui la battait, s’est libérée d’une vie impossible. Pourquoi tout remettre en question ? Il veut la faire renoncer, essaie de gagner du temps en la faisant parler. Et peu à peu il va lui aussi se livrer, raconter cette vie qui l’étouffe, confronté qu’il est sans cesse à la misère humaine. On le découvre aussi amateur de musique et un peu poète. Et humain, terriblement humain.

Elle, c’est Florence Loiret Caille. Sous une apparence menue et fragile, elle cache une volonté inébranlable voire butée, seule une condamnation pourra la libérer de ce poids qu’elle porte depuis dix ans. Prison physique pour libérer l’âme.

Et un troisième personnage, le flic de l’accueil, qui apparaît de temps à autre, comme des bouffées d’air rafraîchissantes pour interrompre ce duel étouffant, et auquel Pierre Forest donne une belle épaisseur.

Si vous voulez voir de l’excellent spectacle, brillant, intelligent, dont on sort fasciné, bouleversé et le cœur chaviré, mais qui parvient pourtant à nous faire rire par la magie du verbe et du jeu, courez à l’Hébertot qui nous offre là un vrai beau moment de théâtre.

Nicole Bourbon

 

Les lois de la gravité

De Jean Teulé
Adaptation de Marc Brunet
Mise en scène de Anne Bourgeois

Avec Dominique Pinon, Florence Loiret Caille et Pierre Forest

 

 

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Mis en ligne le 19 février 2015

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