LES HÉRÉTIQUES

Théâtre de l'Aquarium, La Cartoucherie
route du Champ de manœuvre
75012 Paris
01 43 74 72 74

Jusqu’au 9 décembre 2018
du mardi au samedi à 20h et le dimanche à 16h. 

 

loupePhoto  Christophe Raynaud de Lage

 

 

 

 

C'est le metteur en scène François Rancillac, qui a proposé à Mariette Navarro, de travailler avec lui sur le concept de laïcité. Vaste entreprise. Sujette à caution, à discussion, à controverse.

Nous sommes, ici, en 2028 : la situation ne s'est pas arrangée, au contraire : tout valse, se crispe... tout fout le camp, mais vers où ? L'auteure imagine une époque où pour une femme, cette femme en particulier (émouvante Stéphanie Schwartzbrod), "les mots se dérobent et s'embrouillent. Déliquescence est le mot." Suivant une autre femme qu'elle a repérée dans une manif', elle se retrouve dans une sorte de sous-sol obscur peuplé de tables d'écoliers ou trois femmes l'accueillent. Accueillir est un grand mot : elle la reçoivent, mais c'est pour lui faire subir interrogatoires et menaces de sévices. Il s'agit de s'assurer de son côté "hérétique". Ces sorcières, qui louchent du côté de celles de Macbeth, vont tracer un tableau édifiant... même s'il est parfois confus, de la situation : croire ou ne pas croire ? Épouser des idéaux, une foi... qu'est-ce que cela veut dire ?  L'église, les églises sont stigmatisées, villipendées. Comme les croyances religieuses, pourtant individuelles, a priori. On comprend rapidement que ces "sorcières" sont ennemies de l'homme et de l'ordre. Bon. Qu'elles pratiquent une hérésie qui leur a valu (à elles et à leurs devancières) les pires ennuis au cours des siècles passés : doublement stigmatisées, comme femmes et comme rebelles, non-croyantes, elles ont une revanche à prendre. Et elles préparent donc un attentat, une action forte, du moins, pour éveiller les consciences. Les "femen" sont encore là et Blandine, oui la sainte, apparaît très naturellement, pour tenter d'entraîner le jeune visiteuse dans sa foi et sa lumière.

"Sainte ou sorcière, lance-t-elle, c'est une question de chance". La jeune femme frôle la "question" cette fameuse "question" du moyen-âge. L'histoire se mord un peu la queue : citations et références se téléscopent. Intégristes et laïcards sont renvoyés dos à dos.  Bien fait. À vouloir trop dire, trop prouver, la dramaturgie en prend un coup. Tout se mélange et rien n'émerge. Dommage. On apprend à la fin (tout ça pour ça ! ) que le mot "hérésie" n'a pas le sens qu'on lui donne habituellement : il signifie en fait (et en grec) : art de prendre son propre chemin.

Les sorcières, enfin deux sur trois, sortent. Restent trois femmes qui délibèrent plus posément en affirmant (on ne saurait leur donner tort) l'importance de la notion de doute. La pièce, après plus d'une heure et demie, devient alors apaisée : un souffle passe. Est-ce le jeu des comédiennes, la masse de questions qui ont été posées (et secouées dans tous les sens) mais quelque chose nous prend enfin : on souhaite, comme elles, qu'une solution soit trouvée. Que cela finisse. Et cela finit par de la lumière  : enfin !

Le décor est beau, efficace  et les lumières finement réglées. Il y a un climat, une ambiance... et les comédiennes (malgré des personnages mal définis) animent avec beaucoup d'allant et de talent ce débat philosophique porté sur la scène.

Gérard Noël

 

Les Hérétiques

de Mariette Navarro. Mise en scène : François Rancillac.

Avec : Andréa El Azan, Christine Guênon, Yvette Petit, Stéphanie Schwartzbrod, Lymia Vitte.

Scénographie : Raymond Sarti.
Costumes : Sabine Siegwalt.
Lumières : Guillaume Tesson.
Son : Tal Agam.
Travail chorégraphique : Marion Lévy.
Illusion et magie : Benoît Dattez.
Maquillage et costumes : Séverine Thiébault.
Construction des décors : Éric Den Hartog et Mustapha Benyahia.
Peinture du sol : Anaïs Ang assistée de Nathalie Noël

 

 

Mis en ligne le 15 novembre 2018