LES FOURBERIES DE SCAPIN

Théâtre 12
6, avenue Maurice Ravel
75012 PARIS. 
01 44 75 60 31

Jusqu’au 31 janvier 2016
du mardi au samedi 20h30
dimanche 15h30

 

Les Fourberies de Scapin loupe 

On sait que c’est une des dernières créations de Molière. Il y jouait le rôle de Scapin, le « fourbe » et renouait avec les farces de ses débuts, tout en ayant intégré, et comment, le bénéfice d’œuvres plus ambitieuses comme « le Misanthrope » ou « Don Juan ».

Ce n’est pas un hasard si cette version de la pièce est sous-titrée « Un thriller de Molière ». Ce qui est mis en avant, ici, c’est l’action, une action tendue, dense… parfois frénétique.  À la limite, les histoires de pères et de fils, ces pères qui destinent leurs fils à des femmes qui ne leur conviennent pas et ces fils qui épousent ou se compromettent avec des jeunes filles de leur choix, ce n’est pas si important.

Ce qu’il faut retenir, c’est que « Les Fourberies » est une formidable machine à jouer, machine à exacerber des passions, à présenter des personnages noirs, qu’on a si souvent enjolivés et enrubannés au point de leur faire perdre toute dimension humaine. Or, ce ne sont pas des pantins, mais bel et bien des êtres humains, louchant ici vers des figures de mafiosi : ils sont barbus et farouches, le geste assuré et imagine-t-on, la gâchette facile. Ils ont accumulé des fortunes à coup de trafics et leur seul but, à présent, c’est que tout marche comme ils le veulent, que tout le monde file droit. Or, c’est loin d’être le cas. Heureusement, un valet « retraité de la fourberie », le ci-devant Scapin (barbe et costume strict), accepte, après s’être fait prié, de reprendre du service pour aider ces jeunes gens. La belle affaire ! La belle affaire qu’ils font, eux… car Scapin va tout mettre en œuvre pour que cela fonctionne : il va duper les « vieux ». Que les comédiens aient sensiblement le même âge que leurs supposés fils n’est pas un problème. Encore une fois nous sommes au théâtre, tout au plaisir de voir jouer et d’écouter s’animer devant nos yeux d’enfants, de très anciens masques revitalisés par la mise en scène au cordeau d’Imad Assaf.

Les costumes sont modernes, le décor évoque un entrepôt (génois ou autre) avec ses palettes et son élévateur. Et pourtant, on n’a jamais aussi bien perçu le texte et ses enjeux : débarrassé de ses tics habituels (y compris le « sac où Scapin s’enveloppe ») tout est limpide. Essoré. Clair. On y prend bien sûr un bonheur renouvelé, doublé par celui que prodiguent les comédiens : Angeli Hucher de Barros est un Argante tragique et tout d’un bloc. Emmanuel Rehbinder en Géronte a un boulevard devant lui, avec la scène de la galère : il s’en tire excellemment et  les rires prouvent, une fois encore, que Molière a bien eu raison de la « piquer » à son confrère Cyrano de Bergerac. Brillante prestation de Florence Fauquet en Zerbinette. Dans le rôle de Scapin, Brice Borg commence tranquillement mais son jeu va crescendo, faisant ressortir toutes les facettes (y compris certaines, presque tragiques) de son personnage. Une belle réussite. Vraiment.

Gérard Noël

 

Les Fourberies de Scapin

Une pièce de Molière
Mise en scène : Imad Assaf
Dramaturgie : Paul-Henri Véchambre

Avec : Brice Borg, Azad Boutella, Florence Fauquet, Élise Fourneau, Angeli Hucher de Barros, Olivier Kuhn, Emmanuel Rehbinder, Paul-Henri Véchambre

Création lumières : Vivien Niderkorn 
Chorégraphie : Leonid Glushchenko
Costumes : Justine Bossard

 

Mis en ligne le 17 janvier 2016