LES AMOURS DE JACQUES

Au théâtre Essaion
6 rue Pierre au Lard
75004 Paris.
01 42 78 46 42

Jusqu'au 18 mars 2014
Le mardii à 20h00

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Mis en ligne le 20 septembre 2013

Les amours de Jacques

Adaptateur et interprète du rôle de Jacques, François Lis s'est taillé la part du lion, mais cette prédominance du personnage du domestique existe déjà chez Diderot. S'y mêle, toutefois, la voix de l'auteur, ici absente. Quant à la masse que constitue ce roman dialogué, il a fallu tailler dedans. Tout un programme. Il y avait beaucoup… beaucoup trop peut-être, entre les considérations philosophiques, théologiques, aventureuses et amoureuses. Ce spectacle privilégie les « amours de Jacques », comme le titre l'indique : plus spécialement ce qui pouvait faire penser au Chaucer des « Contes de Canterbury » ou bien au Décaméron. Paillardise, gestes appuyés… un peu plus de légèreté dans le jeu n'aurait peut-être pas été inutile.

On peut apprécier, par contre, cette orientation voulue par la metteuse en scène qui tire la relation maître/valet vers un rapport un rien sado-maso. Les deux comédiens ne s'économisent pas et leur confrontation est tout à fait convaincante.

À l'instar de son contemporain Figaro, Jacques s'avère être un révolutionnaire en puissance, sensible à l'aspect « lutte des classes ». Il note que le rapport Jacques/son maître est indissoluble et que ce qui prime, bien sûr, c'est le premier terme. Dialectique de Hegel, quand tu nous tiens !

Sous les belles caves voutées du théâtre Essaïon, Jacques et son maître font une entrée tonitruante. Pendant tout le spectacle, ils vont s'affronter, s'expliquer, se raconter, surtout Jacques, évidemment. Dès le début, on tourne un peu autour du pot et puis la question, qui deviendra comme une sorte de refrain, la question, donc, fuse. C'est le maître qui la lance : « Et si nous reprenions, Jacques, le récit de tes amours ? »

Curieusement, si Jacques est vêtu comme un paysan du XVIIIème, son maître arbore une tenue de chasse avec bombe, redingote noire et pantalon blanc. Il fallait oser.

Mise en scène tonique, nous l'avons dit, de Stéphanie Wurtz : peut-être ses personnages « font-ils un peu trop la salle », comme on dit. En tout état de cause, on ne peut qu'être pris par les démêlées de ces deux personnages sortis du cerveau de Diderot, qui en peaufina les aventures durant 19 ans.

Les comédiens servent joliment l'œuvre : Alexandre Bidaud (le maître) la joue plutôt snob. Une graine d'aristocrate coincé, qui se laisse prendre peu à peu, à ces histoires truculentes. Au point, d'ailleurs de vouloir se lancer dans le récit de ses propres aventures mais Jacques le bavard ne lui en laissera pas le temps. Jacques, justement, joué par François Lis est un personnage double : servile et violent à la fois. Le comédien mêle habilement l'obéissance et l'aplomb, celui notamment du conteur conscient de son pouvoir, sachant pertinemment que, s'il commence, rien ne pourra l'arrêter.

Une soirée plaisante, au final, qui donne envie de voir d'autres créations des mêmes comédiens : leur adaptation de Don Juan, par exemple.

Gérard Noël

 

 

Les amours de Jacques

Mise en scène : Stéphanie Wurtz.

Avec : Alexandre Bidaud, François Lis.

Adaptation : François Lis.
Costumes : Agnès Amboyan. Lumières : Edouard Mutez.
Postiches : MTL perruques.
Conception graphique : Cora Texier.

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