LE SOUPER

Théâtre de la Madeleine
19 rue de Surène
75008 Paris
01 42 65 07 09

Jusqu’au 29 mars
Du mardi au samedi à 20h30
Matinées samedi à 17h30 , dimanche à 15h00

 

Le souper loupe

 

Jean-Claude Brisville ne commencera à écrire des pièces marquantes que tardivement : il a la soixantaine, quand est créé « Le fauteuil à bascule ». « Le souper » suivra, pièce qui met en scène l’affrontement entre Fouché et Talleyrand. Nous sommes en 1815, le 6 juillet très précisément et les deux hommes sont réunis pour décider de l’avenir de la France. Quel régime va être le sien ? Suivra-t-elle la volonté de la foule des manifestants en allant vers une république ou bien, comme y incite Talleyrand, y aura-t-il un retour à la royauté avec un Louis XVIII qui attend son heure dans l’ombre ? Cela commence très classiquement avec deux valets qui ôtent des housses et installent chaises et table pour ce souper. Joli décor et éclairage aux chandelles. Puis entre « le vice s’appuyant sur le bras du crime » comme l’a écrit Chateaubriand. Talleyrand claudiquant, Niels Arestrup est donc soutenu par Fouché, Patrick Chesnais, bougon et décidé.

Que dire de la pièce ? Elle déroule son lot de détails historiques et de révélations… le tout assorti de bons mots apocryphes ou pas. « Il faut être malheureux pour prendre tellement de plaisir à faire peur ! » entend-on, entre autres. Il y a un leitmotiv : Talleyrand ira-t-il à Saint-Denis où se trouve le roi Louis XVIII, pour l’assurer de son soutien en échange d’un rôle politique dans le gouvernement à venir. En fait, la construction est lâche. Il n’y a pas d’opposition franche : des éclats, oui, des coups de colère, bien sûr. Mais on chercherait en vain une progression, un côté « jeu d’échecs ». La balle est la plus souvent du côté de Talleyrand, éructant et matois. Fouché se contente de riposter avec un certain bonheur et son grand coup, c'est juste de prouver que Talleyrand a trempé dans la mort du Duc d'Enghien, cousin du futur roi. Cela équilibre les rôles, puisque Fouché lui-même avait voté la mort du précédent souverain.

Le tout se regarde agréablement. Mise en scène sans surprise : nous n’avons que deux personnages autour d’une table. Il s’agit donc de les faire se lever, pour aller remplir leur assiette par exemple, aller et venir, se rapprocher. Daniel Benoin fait cela très bien. L’essentiel, comme souvent, ce sont les comédiens : Patrick Chesnais est curieusement ironique. Son Fouché avance argument sur argument, jouant à jouer. Niels Arestrup, lui, est aux taquets, faisant passer son personnage de la colère à l’abattement. Il est habité et nous emmène en arrière, jusqu’en 1815, où une époque s’éteint. La fin de la pièce, crépusculaire illustre alors parfaitement le propos.

Gérard Noël

 

Le souper

De Jean-Claude Brisville.
Mise en scène : Daniel Benoin.

Avec : Niels Arestrup, Patrick Chesnais, Paul Charieras, Benjamin Migneco.

 

Mis en ligne le 17 février 2015

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