LE ROI SE MEURT

Théâtre Hébertot
78bis boulevard des Batignolles
75017 Paris
01 43 87 23 23

Jusqu'au 26 avril
Du mercredi au samedi à 19h00
Le dimanche à 15h30

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Mis en ligne le 7 mars 2014

Le roi se meurt

« Le comique étant intuition de l'absurde, il me semble plus désespérant que le tragique. Le comique n'offre pas d'issue ». Ionesco

Il est des rôles qui marquent leurs interprètes. Et des comédiens qui deviennent la référence d'un personnage. Il en est ainsi du roi Bérenger 1er et de Michel Bouquet, indissociables l'un de l'autre. Les deux se retrouvent pour la quatrième fois et toujours dans la mise en scène de Georges Werler.

Que dire qui n'ait déjà été dit ?

Si ce n'est que les années passant, l'ensemble prend une résonnance particulière, avec un Michel Bouquet de plus en plus émacié, qui donne une fragilité nouvelle à son personnage décuplée par  la sobriété de la mise en scène.

Un Michel Bouquet grandiose, impressionnant, époustouflant dans sa simplicité, son jeu tout en retenue, alternant scènes statiques et mouvements comme incontrôlés, de moins en moins maître de son corps, pour finir comme un automate téléguidé, à la fois enfant et vieillard, comique et pathétique, déclenchant nos rires alors qu'on devrait pleurer ou être saisi d'effroi, sachant comme personne manier le burlesque, l'humour, le ridicule pour tenir le tragique à distance.

Car la pièce de Ionesco nous assène une vérité qu'on veut tous ignorer : on est mortels, personne ne peut échapper à cette loi, ni les pauvres ni les riches ni les puissants alors qu'on vit comme si on était éternels. Mais cette vérité extrêmement tragique nous est délivrée sous les habits de la comédie, de l'allégorie.

Ionesco, comme Feydeau, truffe ses textes de didascalies précisant les moindres mouvements des personnages, décrivant costumes et décors.

Si Georges Werler  est resté fidèle à l'esprit, il s'est accordé quelques dérogations, la Reine Marie est vêtue d'une robe de mariée blanche, symbole de la Vie et de l'Amour, le décor est réduit au strict minimum, un trône au dossier cassé, des tabourets. Plus de murs qui se lézardent, au spectateur d'imaginer le délabrement du royaume. Bruitage du tonnerre et de la pluie en ouverture de rideau, comme un signal. Le fauteuil roulant n'a pas d'insignes royaux, le médecin ôte son pourpoint à Bérenger 1er qui reste en chemise blanche, le roi est nu, plus rien ne le distingue des autres anonymes. Plus de lumière grise à la fin mais un noir qui peu à peu engloutit le roi, créant une tension supplémentaire.

La distribution est à la hauteur du maître, Nathalie Bigorre, Pierre Forest, Lisa Martino, Sébastien Rognoni, tous  remarquables et surtout, surtout,  Juliette Carré, formidable Reine Marguerite, telle que l'avait créée l'auteur, à la fois pythie, passeur, grande prêtresse, sorcière de contes de fée, maîtresse du temps énonçant plusieurs fois  ce dramatique compte à rebours, d'abord sur un ton péremptoire puis de plus en plus grave et de plus en plus solennel au fur et à mesure que l'échéance approche, mais toujours comme de simples constats dits sans emphase.

La scène finale est d'une poignante beauté, la reine Marguerite accompagne le roi dans la mort, l'aide à franchir le pas, le guide. Rite mortuaire et temps du théâtre se confondent, les étapes conduisant à la mort réussie du roi sonnent également la fin du spectacle.

D'une voix forte, sans faiblir, la Reine Marguerite Juliette Carré, Madame Bouquet à la ville / soutient Bérenger 1er, Michel Bouquet, son compagnon.  L'émotion, palpable, étreint alors la salle, nombreux sont ceux qui pleurent.

« Abandonne-moi le bras droit, le bras gauche, la poitrine, les deux épaules et le ventre. Et voilà, tu vois, tu n'as plus la parole, ton cœur n'a plus besoin de battre, plus la peine de respirer. C'était une agitation bien inutile, n'est-ce pas? Tu peux prendre place »

Nicole Bourbon

 

Le roi se meurt

D'Eugène Ionesco
Mise en scène : Georges Werler

Avec  Michel Bouquet, Juliette carré, Nathalie Bigorre, Pierre Forest, Lisa Martino, Sébastien Rognoni