LE PLAISIR DE ROMPRE suivi de LE PAIN DE MÉNAGE

À la Folie Théâtre
6 rue de la folie Méricourt
75011 Paris 
01.43.55.14.80

Jusqu’au 1er juin 2018
vendredi et samedi à 19h30.

 

Le Plaisir de rompre suivi de Le Pain de ménage loupe 

Dans l’œuvre de Jules Renard, le brillant auteur de « Poil de Carotte » ou du mythique « journal », ces deux textes tiennent une place à part : ce sont deux courtes pièces écrites directement pour le théâtre, contrairement à « M. Vernet » par exemple. Renard, ciseleur de phrases, et conscient qu'il n'était bon que pour de « petites choses », nous livre ici un concentré de fiel et de tendresse, traitant des relations hommes/femmes. Dans la première pièce, un jeune homme, qui doit se marier, fait ses adieux à sa « vieille » maîtresse. Fleurets mouchetés, aveux murmurés, fierté de la dame, tentative pataude de l'homme pour se séparer sur un dernier rapprochement... tout y est : la lâcheté masculine et la bonté féminine, bonté qui peut, à l'occasion, se teinter de cruauté. On ne châtie bien que ce que l'on aime bien, semble clamer Renard.
Dans la seconde pièce (on a pris l'habitude de les présenter ensemble, avec les mêmes comédiens, même si la différence d'âge existe dans la première et pas dans l'autre...) il s'agit d'un homme et d'une femme, mariés mais pas ensemble, et qui parlent, parlent, parlent, dans un salon d'hôtel, alors que, plus haut, dort le mari de l'une et veille l'épouse de l'autre. Et chacun imagine. Et s'ils s'aimaient, s'ils partaient ensemble... à Marseille, pourquoi pas ? Il leur faudrait ensuite revenir, n'est-ce pas, et affronter le regard de l'autre. Terrible perspective.
Les deux cœurs sont déjà froids, habitués à leur petit train-train rassurant, incapables de s'engager, mais aimant rêver, après tout cela ne fait de mal à personne. Renard parsème ses pièces d’aphorismes définitifs et de « mots » dignes de son contemporain Oscar Wilde : « J'aime tout de vous, le cœur, l'âme... et toutes les dépendances. » ou « Les amants ne valent que par les souvenirs qu'ils laissent. » ou bien encore « Votre imagination a l'envergure d'un aigle et un appétit d'oiseau ! ». On aurait envie de tout noter.
La mise en scène est souple et éclaire finement ces échanges, rapprochements ou chocs entre les personnages. Même si la fin de « Le Pain de ménage » extrapole un peu (à notre goût), sur les intentions de l'auteur. Habileté du décor également, qui se transforme entre les deux pièces. Hélène Phénix est la femme meurtrie qui tâche de garder le beau rôle. Elle est aussi l'épouse qui aime se sentir aimée (ou désirée). Belles compositions également de Morad Tacherifet qui trouve au fur et à mesure une liberté très convaincante.

Comme dirait Rostand, un spectacle « tout à fait très bien ».

Gérard Noël

 

Le Plaisir de rompre suivi de Le Pain de ménage

de Jules Renard.
Mise en scène : Joël Coté.
Création lumières : Tanguy Gauchet.

Avec : Hélène Phénix et Morad Tacherifet.

 

Mis en ligne le 12 mars 2018