LE MARCHAND DE VENISE

Le Lucernaire 
53 rue Notre-Dame des champs
75006 Paris
01 45 44 57 34

Jusqu'au 4 janvier 2015
Du mardi au samedi à 21h30
Dimanche à 17h00

Le marchand de Venise

 

Après le succès de Marie Tudor, salué unanimement par la presse, Pascal Faber s’est attelé à l’adaptation et la mise en scène de la pièce extrêmement polémique de William Shakespeare, Le marchand de Venise.

Une histoire ambigüe avec pour centre d’intérêt le problème juif sous les traits de Shylock usurier de son état qui prête à Antonio, un riche marchand de Venise une somme de trois mille ducats afin d’aider son ami Bassanio à gagner le cœur de la belle et riche héritière Portia. Un retour de fortune d’Antonio l’empêche de rembourser sa dette à Shylock. Celui-ci intraitable exigera en vertu d’un abominable contrat de prélever une livre de chair sur le corps de son débiteur.

Est-ce une pièce antisémite ? Ou une mise en regard sur un représentant d’une communauté guère appréciée au 16ème siècle et qui revendique un traitement humain. Un juif déterminé à se venger des chrétiens depuis que sa fille a fui la maison avec un chrétien en emportant avec elle une partie de ses richesses. Une pièce trouble où toute une galerie de personnages complexes, attachants ou haïssables s’entre-déchirent dans des situations démesurées.

Dans cette version condensée, Pascal Faber, supprimant nombre de personnages, centre l’action sur Antonio et Shylock et l’histoire d’amour entre Portia et Bassano et entre leurs serviteurs. Il met en lumière ce personnage de Shylock, et c’est une belle initiative, un Shylock magnifiquement interprété par un Michel Paineschi coléreux, désemparé, pathétique. Il en fait ressortir toute l’ambiguïté, usurier avare et méchant, oubliant son intérêt par souci de vengeance mais aussi, homme humilié, moqué, insulté, dans une parodie de justice Des chants liturgiques hébreux soulignent les instants dramatiques, et les jeux de lumière la solitude du vieux juif face au reste de la société.

La partie histoire d’amour est moins convaincante, basculant trop dans le marivaudage, avec des scènes d’un comique trop appuyé à mon goût mais qui ont au moins le mérite d’apporter quelques éclaircies dans cette sombre histoire.

Condensée, la pièce n’est par forcément d’un abord simple car l’on passe très vite d’une scène à une autre, d’un endroit à l’autre et on peut regretter que la Venise bruyante, festive, de cette époque avec ses flambeaux et ses travestissements ne soit montrée symboliquement que par quelques malles en bois, disposées ici et là sur la scène, et par une bande son recréant le bruissement de la cité des Doges. Il est vrai qu’il est difficile de faire davantage sur une petite scène.

Quelques belles séquences malgré tout : celle de la tempête, l’affrontement entre Antonio et Shylock. Et le final où les deux restent seuls, chacun à un bout du plateau, seuls dans leur rond de lumière.

Face à l’exceptionnel Shylock, le reste de la distribution manque pour l’instant d’homogénéité avec certains personnages un peu trop outrés, le jeu demande à être resserré mais on n’est là qu’au début des représentations.

Telle que Pascal Faber nous la présente, cette version ne répond pas à la question que pose Le Marchand de Venise depuis sa création: cette pièce est-elle antisémite ou pas ? Mais laisse le soin à chaque spectateur d’en faire sa lecture, ouvrant certainement la porte à nombre de débats. Mais n’est-ce pas là le rôle du théâtre ?

Patrick Rouet et Nicole Bourbon

 

Le marchand de Venise

Le marchand de Venise

de William Shakespeare ; traduction : Florence Le Corre
Adaptation : Florence Le Corre et Pascal Faber
Mise en scène : Pascal Faber

Avec : Michel Papineschi, Séverine Cojannot, Philippe Bondelle, Frédéric Jeannot,
Régis Vlachos, Charlotte Zotto

 

Le marchand de Venise

Photo © Julien Bielher

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Mis en ligne le 27 novembre 2014

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