LE MALADE IMAGINAIRE

Maison des Arts de Créteil (MAC)
Place Salvador Allende
94000 Créteil
01 45 13 19 19

Jusqu’au 23 mai à 20h30

 

Le malade imaginaire loupe 

À première vue que Michel Didym – comédien et metteur en scène, directeur du Centre Dramatique National de Lorraine connu pour ses nombreuses adaptations d’auteurs contemporains –, ait choisi, pour sa dernière création, une pièce du XVIIème siècle, peut paraître paradoxal.

Rien d’étonnant cependant, s’agissant du Malade Imaginaire de Molière.

Cette comédie-ballet a en effet traversé le temps et les thèmes abordés – hypocondrie, critique de la médecine, libération de la femme, tyrannie de l’argent – sont toujours d’actualité trois siècles plus tard.

« Sa modernité m’a explosé à la figure », confie Michel Didym.

Par son traitement esthétique de la pièce, le metteur en scène en souligne donc la modernité sans pour autant gommer entièrement les éléments qui l’ancrent dans son temps, insérant des « anachronismes vestimentaires ou sociologico-médicaux qui vont donner aux spectateurs du grain à moudre dans leur sablier temporel ».

De même le décor ouvert, simple et minimaliste, suggère une époque, le XVIIème siècle, et une classe sociale, la bourgeoisie, sans pour autant enfermer l’action dans le siècle de Louis XIV.

L’histoire, tout le monde l’a plus ou moins en tête.

Argan, qui se croit malade sans l’être, est obsédé par l’évacuation de ses humeurs et fait vivre sa maison au rythme des saignées, purges et clystères que lui infligent ses médecins, plus habiles à le dépouiller qu’à le guérir.

Sa deuxième épouse, Béline, en veut également à son argent et attend sa mort avec impatience tout en manigançant pour priver ses deux belles-filles de leur héritage et empêcher Angélique, l’aînée, d’épouser celui qu’elle aime, Cléante.

Heureusement, la malice de Toinette, la servante, et le bon sens de Béralde, le frère d’Argan, parviendront à assurer un heureux dénuement à l’intrigue.

« Même si le comique est toujours au bord du tragique », pour reprendre les paroles d’André Marcon, qui tient le rôle d’Argan, le metteur en scène semble avoir pris le parti de souligner le côté comique de la pièce.

En accentuant le comique de caractère, de situation et de mots, il place Le Malade Imaginaire sous le signe du burlesque et de la dérision.

Les comédiens servent avec jubilation ce parti-pris : André Marcon est un Argan puéril et régressif, tellement touchant dans sa peur de la maladie et de la mort qu’il en ferait presque oublier son côté tyran domestique ; Jeanne Lepers, avec son regard candide et sa légère robe bleue, est une Angélique qui porte bien son nom tout en sachant se montrer ferme et déterminée dans son refus d’être mariée contre son gré ; Béline est incarnée par une Catherine Lepers intrigante à souhait ; Bruno Ricci et Jean-Marie Frin se coulent dans plusieurs rôles avec un égal bonheur ; Jean-Claude Durand est parfait dans son rôle de frère sensé qui exprime la voix de la raison face à un Argan désorienté, comme est parfait Barthélémy Meridjen en Cléante, l’amoureux transi.

Quant à Norah Krief, véritable Scapin en jupon, elle est de la veine des serviteurs rusés et vifs d’esprit et son jeu, sa gestuelle, puisant dans la farce médiévale et la Commedia dell’arte, en font une Toinette caustique et pétillante qui ravit les spectateurs.

Une mention spéciale pour Garance Gabel, émouvante petite Louison qui semble sortie tout droit d’un tableau de Vélasquez et joue merveilleusement bien la scène la plus poignante de la pièce.

Pour cette adaptation, Michel Didym a repris certains des intermèdes musicaux de la pièce d’origine, sauf qu’au lieu de la musique de Marc Antoine Charpentier et des chorégraphies de Pierre Beauchamp, il a opté pour un traitement carrément burlesque qui souligne le côté farcesque de la mise en scène.

La cérémonie bouffonne qui clôt la pièce est un morceau d’anthologie, avec son cortège de médecins qui évoquent plutôt des croque-morts ou des sorcières. On pense à la scène du chaudron dans Macbeth ou à – pourquoi pas – Harry Potter !

De toute évidence, le metteur en scène et sa troupe se sont bien amusés – jusqu’à Polichinelle qui chante « amour amour amour » en imitant le perroquet dans Peau d’Âne.

Les spectateurs aussi, si l’on en juge par leurs rires répétés.

Pourtant, la pièce traîne parfois en longueur et quelques lourdeurs scéniques viennent en casser le rythme, ce qui nuit quelque peu à la qualité du spectacle.

Élishéva Zonabend

 

Le malade imaginaire

De Molière
Mise en scène : Michel Didym

Avec : André Marcon, Norah Krief, Jeanne Lepers, Catherine Matisse, Bruno Ricci, Jean-Marie Frin, Barthélémy Meridjen, Jean-Claude Durand, Garance Gabel et Agathe Helluy (en alternance)

Musique : Philippe Thibault
Scénographie : Jacques Gabel
Lumières : Joël Hourbeigt

Costumes : Anne Autran
Assistante à la mise en scène : Anne Marion-Gallois
Chorégraphie : Jean-Charles Di Zazzo
Maquillage et perruque : Catherine Saint-Sever
Régie générale : Pascal Flamme
Enregistrement et mixage musique : Bastien Varigault (avec le Quatuor Stanislas)
Modiste : Catherine Somers
Couturières : Liliane Alfano, Anne Yarmola
Régie générale : Sébastien Rébois
Régie lumières : Gillian Duda
Régie son : Dominique Petit
Régie plateau : Jérémie Ferry
Habilleuse : Claire Gény
Maquilleuse, coiffeuse : Noï Karunayadha

Coproduction - Théâtre national de Strasbourg, Célestins, Théâtre de Lyon, Théâtre de Liège, Théâtre de la Manufacture - Centre dramatique national de Nancy-Lorraine

 

Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National

 

Mis en ligne le 22 mai 2015

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