LE CONTRAIRE DE L’AMOUR

La Maison des Métallos
94 Rue Jean-Pierre Timbaud
75011 Paris
01 48 05 88 27
Jusqu’au 18 novembre, du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 19h, le dimanche à 16h

Mouloud Feraoun naît à Tizi Hibel, Kabylie, en 1913. Instituteur, directeur d’école, inspecteur de centres sociaux, il est également écrivain de langue française, contemporain et ami d’Albert Camus et d’Emmanuel Roblès.

C’est sur les conseils de ce dernier qu’en 1955, un an après le début de l’insurrection algérienne, il commence un journal qu’il tiendra jusqu’à la veille de sa mort à Alger, le 15 mars 1962, assassiné par un commando de l’OAS (Organisation de l’armée secrète), à quatre jours de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu.

Son journal est le témoignage d’un homme à l’identité plurielle, déchiré entre son amour pour la France et les revendications indépendantistes auxquelles il ne peut qu’adhérer, et qui relate au jour le jour l’embrasement de son pays avec son cortège de violences et d’exactions.

L’adhésion à la cause de l’indépendance se fait progressivement, au fur et à mesure que Feraoun prend conscience de la véritable nature du colonialisme et qu’il perd ses illusions. « Pourquoi », écrit-il, « la France n’a-t-elle pas su s’attacher les Algériens ? » « Un siècle durant, on s’est coudoyé sans curiosité, il ne reste plus qu’à récolter cette indifférence réfléchie qui est le contraire de l’amour. »

Pourtant, malgré sa prise de position, toujours il restera impartial et gardera une certaine distance analytique.

Ce texte grave et douloureux n’est cependant pas dénué d’humour. Ainsi, si Feraoun reproche aux Français de ne pas souvent se mettre à la place des indigènes, il poursuit : « Voilà d’ailleurs des expressions équivoques car enfin ce que nous leur reprochons précisément, c’est de se mettre à notre place, d’avoir pris nos places, toutes nos places. »

Dominique Lurcel, qui signe l’adaptation et la mise en scène, s’est attaché à la transmission de l’écriture, loin de toute « visée de type naturaliste ». « La démarche théâtrale sera celle d’une passation », explique-t-il lui-même. Le plateau est sobre, la scénographie minimaliste.

Sur scène un comédien, ou plutôt un narrateur, un récitant – Samuel Churin – qui réussit, avec une économie de moyens étonnante, à restituer les émotions de Feraoun et les événements qu’il décrit. Il est accompagné d’un violoncelliste – Marc Lauras – qui ponctue de son instrument les moments les plus significatifs et intervient aussi dans l’introduction, l’épilogue, et pour annoncer la chronologie.

Ce trio de « passeurs de mémoires » s’est investi avec une ardeur touchante pour divulguer la voix de Mouloud Feraoun, se produisant dans des lieux divers, notamment en Avignon en juillet 2011 et en Algérie même, en présence d’un fils de Mouloud Feraoun.

Avec ce spectacle, ils nous ont permis de découvrir un auteur majeur et nous ont offert un grand moment d’émotion.

 

Élishéva Zonabend

 

 

Le contraire de l’amour

d’après le Journal de Mouloud Feraoun
version scénique et mise en scène Dominique Lurcel

jeu Samuel Churin

violoncelle Marc Lauras
lumière Céline Juillard
scénographie Gérald Ascargorta
costumes Angelina Herrero
production Compagnie Passeurs de mémoires
avec le soutien du Conseil régional d’Île-de-France, d’Aralis /Traces immigrées en Rhône Alpes, de la Maison des Passages et de Sixième Continent (Lyon)