LA CANTATRICE CHAUVE

Au Lucernaire 
53 rue Notre-Dame des champs
75006 Paris.
 tél. : 01 45 44 57 34

Jusqu’au 8 mai 2016
du mardi au samedi à 18h30
dimanche à 16h00

 

La Cantatrice chauve loupe 

S’il est une pièce qui a marqué les débuts du « théâtre de l’absurde », c’est bien celle-ci. Crée en 1950 et sous-titrée « anti-pièce » par Ionesco lui-même, elle fit l’effet d’un coup de tonnerre : adieu drames psychologiques ou assimilés, comédies bourgeoises plan-plan, voire pièces engagées comme il en pleuvait à cette époque. Il s’agissait bien d’une révolution. Au départ, le Roumain Ionesco prétend en avoir eu l’idée en parcourant un manuel de langue française à l’usage des étudiants étrangers. On se rend compte, assez rapidement que Ionesco a fait plus et mieux : comme son collègue Beckett a la même époque, c’est la notion même de personnage et d’intrigue qu’il subvertit avec ce travail sur le langage : les personnages existent principalement par ce qu’ils disent, mais les répétitions abondent, le sens se mord la queue et tout finit par des éclats de rire. Comme chez Beckett également, l’angoisse existentielle emprunte à l’humour. Du coup, elle passe mieux, mais en sort  renforcée…

Cette jeune troupe a choisi de sous-titrer « comme vous ne l’avez jamais vue » sa présentation. Était-ce bien nécessaire ? Toujours est-il que, inédite ou non, la mise en scène est d’une rare efficacité. Les comédiens (costumes sombres et maquillages blancs… ce qui rappelle quelque chose !) jouent au premier degré ces situations foutraques et ces mots distordus. Et c’est bien ! Vivacité des actions et réactions, rapport frontal au public, chacun développe, mine de rien, une personnalité propre qui, bien sûr, enrichit le spectacle. Images arrêtées, gesticulations caricaturales sont de la partie, mais toutes au service du texte fort de Ionesco. C’est du beau travail, vraiment. On appréciera la classe de Alexis Rocamora (M. Smith) en opposition avec le côté grande cantatrice contrariée de Laura Marin (Mme Smith). L’autre couple fait un pendant efficace au premier et Jean-Nicolas Gaitté donne une nuance burlesque et touchante à la fois à M. Martin. Taos Sonzogni n’est pas en reste. Belle prestation de Nell Darmouni dans le rôle de la bonne que le metteur en scène a vue comme une sorte de manipulatrice menant son petit monde à la baguette. Guillaume Benoit en pompier a quelques moments bien à lui dont il se tire avec une charge comique étonnante.

Que dire de plus sinon que ce spectacle est un petit bijou. A voir sans modération, donc !

Gérard Noël

 

La Cantatrice chauve

De Eugène Ionesco.
Mise en scène : Alexis Rocamora.

Avec : Laura Marin, Alexis Rocamora, Taos Sonzogni, Jean-Nicolas Gaitté, Nell Darmouni et Guillaume Benoit.

Musique : Gilles Diederichs

 

Mis en ligne le 20 mars 2016