LA BELLE VIE

Théâtre Des Variétés 
7, Boulevard Montmartre
75002 PARIS
Rés : 01 42 33 09 92
Mercredi, jeudi, vendredi : 20h30. Samedi : 17h, 20h30. Dimanche : 16h30.
Jusqu'au 1er juillet

La belle vie est une œuvre peu connue de Jean Anouilh, écrite spécifiquement pour la télévision en 1979, C'est la fille de l'auteur, Colombe d'Harcourt Anouilh, qui a confié le texte de cette pièce à Jean-Philippe Daguerre désireux de mettre en scène une de ses œuvres.

On y retrouve ce qui fait la marque de cet auteur, l'humour cynique, la noirceur du trait, l'ironie élégante, dans un mélange d'une grande force comique de théâtre de boulevard, de satire politique qui dénonce joyeusement les idéologies. Spectacle de télé-réalité avant l'heure, il met en scène les membres d'une famille d'aristocrates au moment où éclate une révolution. L'ancien domestique, devenu « camarade commissaire » leur épargne la prison voire la mort à condition qu'ils jouent chaque soir ce qu'était leur ancienne vie devant le peuple afin que ce dernier n'oublie rien.

C'est l'occasion pour l'auteur de dénoncer les travers des uns et des autres, avec un texte comme à son habitude mordant et cruel, mêlant les mots d'esprit à des situations potentiellement explosives, avec des personnages très stéréotypés, aristocrates prétentieux et débauchés, révolutionnaires bornés, entièrement soumis à leur idéologie totalitaire, renvoyant chacun dans ses cordes.

Le talent de Jean Philippe Daguerre, le metteur en scène, est d'avoir non seulement respecté le schéma d'origine mais de l'avoir encore démultiplié en lui ajoutant maintes inventions de son cru qui s'intègrent parfaitement en soulignant encore le propos, utilisant avec à-propos le ralenti ou l'accéléré, les jeux d'ombres et de lumière et même le public qui devient le peuple .

Bourgeois et ouvriers vont s'affronter dans un jeu sans concession et complètement délirant qui exacerbe les défauts des uns et des autres. Une lutte des classes brillante en même temps qu'extrêmement drôle, où chacun reste finalement enfermé dans son rôle d'origine : les aristocrates sont condamnés à jouer encore et encore leurs mêmes scènes de jeu de bridge, de scènes de ménage et règlements de comptes divers, le « camarade commissaire » redevient chaque soir le domestique. Seul le fils pourra grâce à l'amour accéder enfin à l'honneur suprême d'être intégré dans une usine pour devenir ouvrier !

Les comédiens sont parfaitement à l'aise, avec un jeu dynamique et enlevé, mention spéciale à Charlotte Matzneff dans le rôle de la soubrette et de la baronne, personnage qu'elle campe avec une irrésistible drôlerie.

Comme le pitch et l'affiche ne le laissent pas entendre, et c'est dommage, voilà un spectacle intelligent et d'une grande force comique, où on ne s'ennuie pas un seul instant et où on rit beaucoup. À voir au joli théâtre des Variétés jusqu'au 1er juillet et ensuite au festival d'Avignon, au Monte-charge à 22h15.

 

Nicole Bourbon

 

 

La belle vie

Un spectacle de Jean Anouilh

Mise en scène : Jean-Philippe Daguerre

Avec : Annie Chaplin, Charlotte Matzneff, Flore Vannier-Moreau, Grégoire Bourbier, Johan Dionnet, Antoine Guiraud, Yves Roux, Jacques Auxenel Ou Olivier Girard, Jean-Philippe Daguerre Ou Stéphane Dauch, Pierre Benoist Ou Jean-Yves Ostro

Décors : Christophe Chetout
Lumières : Jean-Claude Vieu
Costumes : Corinne Rossi