KINSHIP

Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
01 42 80 01 81

Jusqu'au 25 janvier 2015
Du mardi au vendredi à 21h00, le samedi à 16h00 et 21h00, le dimanche à 15h30

 

Kinship

 

Lorsque Richard Caillat, président du Théâtre de Paris, présente, avec Stéphane Hillel,  la saison 2014/2015, il est fier et heureux d’annoncer que celle-ci marquera le retour d’Isabelle Adjani sur scène, dans ce « théâtre magique, le plus grand théâtre privé parisien, qui a une âme, une histoire, et doit accueillir les plus grands. Les plus grands auteurs, les plus grands metteurs en scène et bien sûr les plus grands artistes. »

Pour lui, accueillir cette actrice mythique est un rêve qui se réalise.

Un rêve qui se réalise également pour tous ceux – et ils sont nombreux – qui attendaient, depuis sa dernière apparition dans La dernière nuit de Marie Stuart en 2006, qu’elle remonte sur les planches.

Kinship, de la dramaturge et metteuse en scène américaine Carey Perloff, a d’emblée séduit la comédienne.  « Variation contemporaine de la Phèdre de Racine », cette pièce lui offre un magnifique rôle de femme amoureuse et passionnée, dans une création mondiale qui laisse ouverts tous les possibles et dont elle assure également la direction artistique.

Précédée d’une campagne de publicité d’envergure, Kinship est incontestablement l’événement de la rentrée.

Le titre de la pièce n’a pas été traduit. « Le terme [ayant] un double sens », explique Séverine Magois, la traductrice, et pouvant « selon le contexte, se traduire soit par parenté, soit par affinités », il était « difficile d’en privilégier un plutôt qu’un autre, [vu que] les deux dimensions sont présentes dans la pièce. »

Le thème de cette tragicomédie ? Une histoire triangulaire, mais, si vous pensez au trio mari, femme, amant, vous n’y êtes pas du tout.

Ici, une femme mûre, rédactrice en chef influente, se prend de passion pour le jeune journaliste qu’elle vient de recruter et qui n’est autre que le fils de sa meilleure amie, sans qu’aucun des trois ne se doute de cette parenté, ce qui conduit à des situations cocasses à souhait. Entre les deux amoureux, très vite s’instaure une complicité qui révèle leurs affinités.

Les trois personnages, Elle, Lui et l’Amie/la Mère (ils ne sont jamais nommés), sont servis par un trio de choc : Adjani, qu’on ne présente plus, Niels Schneider, vu l’an dernier dans le rôle de Roméo au Théâtre de la Porte-Saint-Martin et Vittoria Scognamiglio, comédienne italienne très présente au cinéma comme au théâtre.

C’est sur un plateau presque nu, juste meublé de deux chaises et d’une table sur un fond de vidéos et d’images glacées que l’histoire va se dérouler sous forme de très courts tableaux comme si l’on feuilletait les pages d’une romance perdue d’avance. Le spectateur, qui s’attend certainement à un décor moins minimaliste (nous sommes dans un grand théâtre privé !), semble pourtant apprécier très vite le parti-pris de Dominique Borg.

La metteuse en scène a en effet opté pour un travail dans l’épure, en écartant une mise en scène réaliste et en utilisant abondamment la vidéo et la photo. On retrouve ce souci d’épure dans les costumes, sobres et contemporains.

Un choix judicieux qui pourrait servir admirablement un texte où l’humour tempère avec bonheur le côté tragique de la passion obsessionnelle d’Elle pour Lui.

Tous les ingrédients étaient donc réunis pour que la magie opère.

Or, force est de constater que la mayonnaise ne prend pas.

La pièce ne transporte pas, ne dégage aucune émotion.

Isabelle Adjani n’est pas l’actrice éblouissante qui crève l’écran dans chacun des (excellents) films où elle apparaît.

Niels Schneider et elle peinent à rendre crédibles et émouvants les sentiments qu’ils sont censés éprouver l’un pour l’autre.

Seule Vittoria Scognamiglio tire son épingle du jeu.

Son personnage de mère abusive et intrusive, d’amie au franc parler, déclenche systématiquement les rires à chacune de ses apparitions, chacune de ses répliques. Celle-ci, par exemple, pour n’en citer qu’une :

« Tout était tellement plus simple quand ton père était encore de ce monde. Tu lui racontais, puis il me racontait. C’était comme de jouer au téléphone arabe, un peu ridicule j’en conviens, mais au moins je savais quelque chose. »

Quel est donc le grain de sable qui a enrayé une machine si prometteuse ?

Sans doute faut-il aller chercher du côté des péripéties et des bouleversements qui ont jalonné la création de cette pièce : départ de Carmen Maura remplacée au pied levé par la comédienne italienne – qui lui ressemble d’ailleurs étrangement, jusqu’à son accent qui sonne comme l’accent espagnol de Carmen Maura ; remplacement du metteur en scène Julien Collet Vlaneck par Dominique Borg, déjà en charge des costumes, et du scénographe par Barnabé Nuytten (fils aîné d’Isabelle Adjani).

A contrario, que la pièce ait pu voir le jour – avec du retard, certes –, en dépit de tous ces aléas, est presque un tour de force.

Par ailleurs, le théâtre, spectacle vivant, est fragile et fluctuant et, comme chacun sait, les variations peuvent être importantes d’une représentation à une autre.

Espérons alors que la pièce, mieux rodée, trouvera le souffle qui lui manque et sera touchée par la grâce, et que les ovations qui acclament Isabelle Adjani salueront la performance de l’actrice, et pas seulement le mythe.

 Elishéva Zonabend

 

Kinship

De Carey Perloff
Texte français : Séverine Magois
Mise en scène : Dominique Borg

Avec : Isabelle Adjani, Vittoria Scognamiglio, Niels Schneider

Assistant mise en Scène : Marcello Scuderi
Dramaturgie : Franck Joucla Castillo
Direction artistique : Isabelle Adjani
Danseuse : Blandine Laignel
Dispositif scénique : Barnabé Nuytten
Création vidéo : Olivier Roset
Musique : Olivier Schultheis
Costumes : Dominique Borg
Assistante costumes : Margaux Arabian
Création lumières : Dominique Bruguiere
Assistants lumières : François Menou et François Thouret
Illustrations sonores : François Peyrony

 

Kinship

 

Mis en ligne le 22 novembre 2014

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