JE PENSE À YU

Théâtre Artistic Athévains
40 et 45, bis rue Richard Lenoir
75011 Paris
01.43.56.38.32
Mardi à 20h, Mercredi, Jeudi à 19h, Vendredi, Samedi à 20h30, Samedi, Dimanche à 16h

Je pense à Yu

Madeleine est seule. Madeleine est perdue. Madeleine vit dans un appartement aux murs encore en placoplatre brut, où sont disséminés un ordinateur, une imprimante simplement posée sur son carton, des cartons ouverts et les éléments d'une bibliothèque qui attend d'être montée. Car Madeleine n'arrive pas à mettre de l'ordre, ni chez elle, ni dans sa vie, ni dans sa tête.

Jérémie est le voisin de Madeleine. Jérémie est solide, Jérémie est débonnaire, Jérémie reste stoïque face à l'adversité. Jérémie est le père d'un enfant autiste. Jérémie est seul, son fils est dans une institution, sa femme est partie.

Lin est l'élève de Madeleine. Lin est jeune. Lin est tournée vers l'avenir. Lin apprend le français et se bat avec la conjugaison. Elle a quitté la Chine et sa famille. Lin est seule.

Carole Fréchette, l'auteur, réunit ses trois solitudes pour nous interroger sur l'engagement, sur la tyrannie et sur la résistance qu'on peut lui opposer. Sur la valeur des symboles. Sur leur utilité. De la difficulté aussi de prendre sa vie en main.

Elle se sert pour ce faire de l'histoire véridique de Yu Dongyue.

On a tous en mémoire une image, celle d'un jeune homme, seul face à un char sur la place Tian'anmen en 1989. Mais auparavant il y avait eu Yu et deux de ses camarades.

Yu est un opposant au régime. Yu, en 1989, avait jeté sur un portrait de Mao des coquilles d'œuf remplies de peinture. Yu avait été condamné à 17 ans de prison. Yu avait été soumis à l'isolement. Yu avait été torturé. Yu est devenu fou.

L'histoire commence lorsque Madeleine lit l'annonce de sa libération.

Madeleine est bouleversée. Tout désormais va tourner autour de ce fait, elle va chercher à en savoir plus, consulte Internet, et se trouve incapable de penser et de parler d'autre chose.

Madeleine c'est Marianne Basler, fragile, vibrante, jeu à fleur de peau. Madeleine est bouleversée et Marianne est bouleversante.

Jérémie c'est Antoine Caubet qui lui prête sa haute stature et son allure tranquille. Jérémie est en souffrance, une souffrance cachée, enfouie mais qui explose soudain, toutes digues rompues. Jérémie est maladroit et Antoine est prodigieux.

Lin c'est Yilin Yang. Lin est une gamine obstinée et entière. Lin croit en l'avenir. Lin a sa Chine à elle qui n'est pas celle que Madeleine lui raconte. Lin est étonnée et Yilin Yang est étonnante.

Ils servent tous les trois à merveille dans un jeu tout en nuances, tour à tour sobre puis exalté, le texte de Carole Fréchette, pathétique, drôle parfois, avec ces phrases courtes, simples et complexes à la fois, qui vont droit au but, et qui réserve à chacun une superbe scène, jonglant adroitement avec les temps du passé, du présent, du futur, mis en scène avec un rythme soutenu, une grande subtilité et une belle intelligence par Jean Claude Bérutti.

Au fil de l'histoire, on est peu à peu happé par ce texte si habilement tissé et interprété, par ce maelstrom d'émotions, jusqu'à la fin qui m'a personnellement un peu laissé sur ma faim, un peu trop banale pour un spectacle qui nous avait ainsi promenés dans une atmosphère de plus en plus oppressante de questions dérangeantes en sentiments extrêmes .

 

Nicole Bourbon

 

 

Je Pense à Yu

de Carole Fréchette
Mise en scène Jean-Claude Berutti

Avec :
Yilin Yang
Marianne Basler
Antoine Caubet

 

Version imprimable (PDF)