HOMME POUR HOMME

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie de Vincennes
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
Tél : 01 43 28 36 36

Jusqu'au 16 février
Du mardi au samedi à 20h00
Le dimanche à 16h00

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Mis en ligne le 23 janvier 2014

Homme pour homme
Photo Julien Piffaut

 

Trois soldats soiffards, voleurs et sacrilèges, réussissent à persuader Galy Gay, homme simple, modeste et sans histoire, de s'enrôler pour remplacer le quatrième larron, Jeraiah Jip, et ainsi détourner les soupçons qui pèsent sur eux. Le voici prêt à vivre une vie de militaire, au milieu de ses compagnons manipulateurs et sans scrupule. Mais tout n'est pas si simple, car les identités des uns et des autres ne ressortent pas intactes de ce petit jeu de substitution apparemment anodin qui était censé ne pas durer. Homme pour homme donc : si le principe de l'échange semble équitable, nul ne sait ce qui va résulter de cette métamorphose.

En ce sens, ce n'est rien moins que le principe même du théâtre que cette mise en abyme nous fait voir ; à revêtir le rôle de celui qu'on n'est pas, tout individu qui se trouve pris pour un autre peut se prendre à son propre jeu, se transformer, se perdre ou se révéler à lui-même. Le naïf Galy Gay, « celui qui ne sait pas dire non », va-t-il réussir à donner le change dans un uniforme qui semble trop grand pour lui ? Sa femme va-t-elle le reconnaître et le ramener à la raison ? Jeraiah Jip va-t-il reprendre sa place auprès de ses compagnons d'armes et de beuveries ? L'intransigeant sergent Charles Fairchild, à la morale rigoureusement kantienne, va-t-il devoir sévir ?

Dans cet ouvrage de jeunesse qui date de 1926, Bertolt Brecht bousculait déjà le spectateur avec son théâtre insaisissable et décalé mais qui sait créer dès les premières répliques une complicité avec le public. La brillante mise en scène de Clément Poirée est à l'image de la pièce : drôle, enlevée, vive, incisive et audacieuse, même si elle a quelques longueurs un peu vaines. Les choix musicaux sonnent juste, jusque dans celui de l'humour et de la dérision, par exemple avec la reprise d'une chanson des Monty Python. Les décors, dans un univers transposé de l'Inde coloniale à la Chine, avec un usage récurrent du papier kraft qui se prête à tous les usages, sont aussi crédibles qu'on leur demande de l'être, ni plus ni moins.

Parfois, cela tourne à la grosse farce grâce à une Laure Calamy irrésistible de truculence quand elle interprète la veuve Leocadia Begbick, auquel répond un Eddie Chignara qui n'est pas en reste dans le rôle de Quinte de Sang. À d'autres moments, c'est l'interrogation philosophique sur la nature du « moi » et de ce qui constitue son identité qui saisit les personnages : sommes-nous autre chose que la succession de nos états mentaux et des situations qui les déterminent ?

 Dans tous les cas, la salle comble du théâtre de la Tempête est emportée par une belle démonstration de théâtralité.

Frédéric Manzini

 

Homme pour homme

Homme pour homme

de Bertolt Brecht
Traduction Geneviève Serreau et Benno Besson

Mise en scène : Clément Poirée

Scénographie : Erwan Creff
Lumières : Maëlle Payonne
Musique et son : Stéphanie Gibert
Costumes : Hanna Sjodin assistée de Camille Lamy
Vidéo : Nicolas Simonin

Avec : Bruno Blairet (Uria Shelley), Laure Calamy (Madame Gay et Leocadia Begbick), Eddie Chignara (Charles Fairchild, dit Quinte de Sang, et Mah Sing), Thibaut Corrion (Galy Gay), Pierre Giafferri (Jeraiah Jip), Anthony Paliotti (Jesse Mahoney), Patrick Paroux (Monsieur Wang), Benjamin Wangermee (Polly Baker).