EN ATTENDANT LE FEU D'ARTIFICE

Bouffon-Théâtre
26-28 rue de Meaux
75019 PARIS
Rés. 01 42 38 35 53
Jusqu'au 29 avril

Imaginez une troupe de sept comédiens et comédiennes. Ils sont brillants et enthousiastes. Ils sortent d'un cours, ont envie de jouer (ce qui est bien normal). Ils se décident pour du Karl Valentin, farceur politique du début du XXème siècle. Ce Valentin triompha avec des saynètes bouffonnes qu'il jouait dans les cabarets berlinois, le plus souvent avec sa partenaire Liesl Karlstadt qui excellait dans les rôles travestis (chef d'orchestre, photographe, apprenti, …) On ne saurait mieux rêver : il y a chez Valentin une qualité d'écriture, une façon de tutoyer l'absurde, de jouer avec les clichés qui inspira Brecht et qui n'a pas pris une ride. Surtout après le dépoussiérage que cette jeune compagnie lui a fait subir. Ils ont fait un montage habile, entrecoupé de quelques chansons (Ah, cette parodie d'opéra et surtout ce morceau de bravoure de Colette Renard !). Ils ont trouvé un leitmotiv autour de l'installation d'un feu d'artifice. Et vogue le spectacle…

Il y a des scènes de retrouvailles entre deux personnes d'un même immeuble. L'art de parler pour ne rien dire puisque aucun des deux n'a, finalement, de souvenir clair de l'identité de l'autre et de ce qu'il tenait à lui confier. Un couple se dispute. Paradoxe, ils hurlent des gentillesses¨avec l'air ulcéré et finiront par se dire d'un ton badin les pires horreurs. S'ensuit un numéro de voyance qui tourne un peu court. Là, une mère et sa fille parlent de la guerre :

— Pourquoi on fait la guerre, puisque c'est dangereux ?

— Eh ben ! C'est que tant qu'il y aura des hommes, il y aura la guerre !

La question de la représentativité électorale n'est pas laissée de côté :

— Parce qu'il n'y aurait pas de place au parlement pour 60 millions de peuple. C'est pour ça qu'il y a des représentants.

En ces temps où les élections législatives se profilent, ce rappel ironique méritait d'être fait. Nous avons aussi droit au sketch de celui qui écrit à sa chère et tendre : « Écris-moi pour me dire pourquoi tu ne m'écris pas. Comme tu as écrit à mon père que tu ne pouvais pas m'écrire, je lui ai écrit pour savoir…etc. »

« Alberto express » était un film d'Arthur Joffé dans lequel un père poursuivait son fils avec une note interminable recensant toutes les dépenses qu'il avait engagées, pour lui, depuis sa naissance. Ici, nous avons droit à l'histoire originale, due à l'imagination débordante de Karl Valentin.

Dans ce décor de tables et de chaises, les déplacements sont efficaces comme le jeu des comédiens et comédiennes : il y a le beau parleur, l'ingénue tout sourire, la vamp au long fume-cigarette, chacun au plus près de sa nature mais susceptible aussi de se renouveler pour nous surprendre.

La salle, plutôt jeune, est en joie et chaque effet porte. Un spectacle qui s'est joué ici neuf fois et qu'il faut se dépêcher d'aller voir (dernière dimanche à 17h30 !)

Et attendant, gageons-le, d'autres aventures.

 

Gérard NOËL

En attendant le feu d'artifice

D'après Karl Valentin

Avec Louise Bataillon, Marie-Aimée de Bonnafos, Charlotte Coste-Debure, Dimitri Gouinguenet, Cécile Meyer, Kim Tassel, Noëllie Thibault et Kevin Thuault.