CHAMBRE 108

Théâtre des 2 Rives (Petit t2r)
107, rue de Paris
94220 Charenton-le-Pont
Jusqu'au dimanche 24 Février 2013 à 20h30 et à 17h le dimanche.

 

Avant même que la pièce ne commence, le ton est donné avec une épigraphe de Sartre expliquant la véritable signification de sa formule « l'enfer c'est les autres » : ce qu'il a voulu dire c'est que « si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l'autre ne peut être que l'enfer ».

En effet, on pourrait croire que nous ne sommes pas loin de l'enfer dans le huis clos contemporain de la chambre d'hôpital. Celle-ci va pourtant devenir, non sans difficultés, au gré des humeurs des deux occupants, le lieu où les langues se délient et les émotions se dévoilent. D'une part, René Bertillon, vieil homme aigri et solitaire mais qui a fait de l'hôpital son nouveau domicile, regarde défiler les patients sur le lit voisin. D'autre part, Charles Renoir, la quarantaine, marié, cadre, peu loquace, se retrouve assommé par la suspicion d'un cancer du pancréas qui l'oblige à se livrer à une batterie d'examens. Entre ces deux hommes, une infirmière pimpante, séduisante et pêchue, interprétée avec énergie par Isabelle Rougerie, dont les paroles et les gestes rassurent, mais dont le discours est parfois si maladroit qu'il prête à rire. À force de voir défiler les malades, sans doute la souffrance se banalise... « Quel plaisir de voir un malade jeune ! » lance-t-elle à l'arrivée de Renoir.

La mise en scène sobre laisse toute son importance aux mots : les deux lits se meuvent – sur d'agréables morceaux jazzy – au gré des scènes qui correspondent aux temps forts d'une journée à l'hôpital (repas, sieste, nuit). Le lit de l'un est tantôt en avant ou en retrait, privilégiant ainsi les paroles et les maux de chacun, ou bien les deux se retrouvent côte à côte, au même niveau. Au même niveau, puisqu'à partir du moment où Renoir s'installe et enfile un pyjama identique à celui de Bertillon, le jeune n'a plus l'ascendant sur le vieillard et la perte de dignité et d'humanité s'accroît. La pulsion de mort est d'autant plus forte que la chambre 108 donne sur un cimetière, comme si elle en était l'antichambre, et c'est cette angoisse qui sera le moteur de la discussion houleuse et à contretemps des deux hommes.

Les deux personnages mettent du temps non pas à parler, mais à se parler. Le René Bertillon interprété par Hervé Masquelier – fort convaincant dans le rôle du grognon – agace Renoir mais aussi le public par ses gémissements et ses plaintes concernant la société en général. Renoir campé par Jean-David Stepler amuse les spectateurs de tous les âges qui rient à ses réparties tranchantes et bien trouvées mais peut aussi être touchant et mettre le doigt là où cela fait mal, chez ses compagnons de scène comme chez les spectateurs. Finalement, tant bien que mal, les deux hommes se radoucissent, un peu résignés par leur « condition de patient » : se rebellant contre celle-ci et s'appelant enfin par leurs prénoms, la communication devient possible.

Les problématiques de la pièce font forcément écho chez le spectateur : la famille, l'amour, le désir, la maladie, la solitude, la perte d'autonomie et la mort sont évoqués, sans tomber dans le cliché, mais au contraire, avec humour, tout en alternant émotion et légèreté.

 

Ivanne Galant

 

 

Chambre 108

de Gérald Aubert
Mis en scène : Bruno Bernardin et François Bourcier

Avec :
Isabelle Rougerie dans le rôle de Josiane
Jean David Stepler dans le rôle de Charles Renoir
Hervé Masquelier dans le rôle de René Bertillon

Musique : Carlos Leresche

 

Version PDF imprimable