CÉLIMÈNE ET LE CARDINAL

Théâtre Michel
38 rue des Mathurins
75008 Paris
Tél : 01 42 65 35 02

Jusqu'au 4 janvier 2015
Du mardi au samedi à 21h00
Matinées samedi à 16h30, dimanche 16h15

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Mis en ligne le 19 septembre 2014

Regarts plébiscite ce spectacle

 

Critique de Bruno Fougniès

 

Cette pièce est un vrai régal pour les acteurs : un texte scintillant, sucré-acide comme les bonbons, une joute amoureuse avec ses élans, ses rebuffades, ses évitements et ses provocations, des personnages puisés chez Molière aux squelettes bien solides, inscrits depuis des siècles dans l'imaginaire collectif et des alexandrins à articuler, mais sans la peur des exégètes ou des puristes qui ont la dent si dure, puisqu'il s'agit d'alexandrins modernes, dont l'intention est de briller et non de provoquer la catharsis.

À cet exercice, Gaëlle Billaut-Danno et Pierre Azema sont de véritables acrobates de la langue et de la mimique. Ils incarnent tous deux les personnages titres avec un plaisir évident, communicatif. Pierre Azema construit un Alceste devenu cardinal, empourpré comme un rideau de scène, puissant, intransigeant  mais aussi roué et perdu quand le désir lui fait perdre la tête. Gaëlle Billaut-Danno crée une Célimène étonnante, très sensible, si fragile face à son partenaire qu'elle paraît un oisillon dans la main d'un géant. Elle transforme la Célimène manipulatrice de Molière en femme moderne, consciente des désirs de son corps aussi bien que de la réalité, et jouant habillement en équilibre entre cet appel des sens et la raison.

Le grand plaisir de cette pièce est d'assister à la rencontre, 20 ans après, de deux êtres qui se sont aimés avec passion, comme on se fascine à observer les braises d'un feu presque éteint, épiant les petites flammèches qui renaissent souffle après souffle, espérant voir à nouveau une grande flambée embraser tout.

Si on peut s'étonner – Comme c'est mon cas –des choix de Jacques Rampal : faire d'Alceste l'incorruptible, un cardinal, quand on sait les milliers de complaisances que la hiérarchie de l'église demande pour accéder à ces postes… des complaisances inimaginables pour le misanthrope et de Célimène, la jeune veuve libre de corps et d'esprit qu'a créée Molière, une mère de famille, épouse d'un bourgeois, la pièce, pleine de clins d'œil et d'humour fonctionne comme une mécanique comique huilée à la perfection, généreusement portée par ce beau duo de comédiens.

 

Critique de Nicole Bourbon

 

Vingt ans après…

Non, on n'est pas chez Dumas mais plutôt chez Molière. Car nous retrouvons ici Alceste et Célimène vingt ans après.

Disons-le tout de suite, cette pièce est un vrai bijou : écriture brillantissime qui arrive à faire du Molière sans l'imiter dans un langage contemporain, avec des alexandrins magnifiquement troussés, et une interprétation tout aussi exceptionnelle. Un régal pour l'oreille, un véritable hommage à la beauté de la langue française si malmenée de nos jours. Dieu que cela fait du bien !

Si Célimène est mariée et mère de quatre enfants, si Alceste est devenu un prélat intransigeant, ils sont malgré tout restés fidèles à eux-mêmes et prêts même s'ils s'en défendent, à faire « rejaillir le feu d'un ancien volcan qu'on croyait trop vieux ».

Leur affrontement va être d'une cruauté que les talents conjugués de l'auteur  et des interprètes vont rendre infiniment drôles. Car on rit énormément, les répliques sous la plume inspirée et ciselée de Jacques Rampal, offrent un véritable festival d'humour, d'esprit, de verve et de malice, dans un langage compréhensible tout en étant d'une élégance rare et d'une intelligence remarquable.

L'interprétation toute en subtilités  est largement à la hauteur de l'écriture, sous la houlette de Pascal Faber, toujours d'une extrême précision apte à mettre en relief la moindre nuance des propos et situations.

Pierre Azéma prête avec une force convaincante sa haute stature à un Alceste devenu un  prélat tout aussi intransigeant qu'il l'était dans sa jeunesse, un janséniste sévère et intolérant, moralisateur, réprimant sentiments et pulsions, occasion pour l'auteur d'envoyer quelques coups de griffe bien sentis à une religion à la limite du fanatisme. Brutal et violent, il n'en est pas moins émouvant lorsqu'il baisse la garde, impuissant face à cet amour impossible dont il ne peut décidément pas se défaire.

Gaëlle Billault-Danno est une éblouissante Célimène, elle fait face avec une finesse et une ironie mordantes à son ancien amant, femme moderne avant l'heure, refusant la soumission, elle est la rouerie incarnée.

Dans ce jeu du chat et de la souris, chacun prend tour à tour le dessus, et ce n'est pas le moindre talent de l'auteur que de si bien révéler le caractère profond de ces deux personnages hors du commun dans un total respect de ce qu'avait imaginé Molière.

 

Critique de Gérard Noël

 

Le théâtre Michel a la bonne idée, s'il en est, de programmer « Célimène et le cardinal », pièce de Jacques Rampal, qui fut créée il y a une vingtaine d'années. Déjà, Courteline avait donné une suite à la pièce de Molière avec « La conversion d'Alceste », en vers également. Cette œuvre-ci, boucle la boucle. L'auteur y imagine que, vingt ans plus tard, Alceste est devenu une autorité ecclésiastique. Un ponte, tout de pourpre cardinalice vêtu. Farouche, ténébreux, il n'a rien perdu de son côté rigoriste. Le revoici en présence de son amour d'avant, la coquette Célimène, mariée depuis et pourvue d'enfants. Le choc, on s'en doute, va être électrique.

Dans un bel écrin rouge tendu de draperies, cette bataille va ressembler au choix à un match de catch ou à une parade amoureuse. A fleurets mouchetés d'abord, il y a aura aussi des coups…coups bas ou coups de sang. Et des coups de théâtre. L'écriture de Rampal, inspirée, est fine et agile, elle rebondit, assenant des réflexions bien senties sur l'intransigeance, l'intégrisme. Et elle se penche, mine de rien, sur ce type de relation entre un homme trop ci et une femme trop ça. Sur son impossibilité apparente. Sur le fait que rien n'est simple et que les contraires pourraient bien en fin de compte s'attirer. Il y aura des entrées charmeuses et des sorties fracassantes. Un carnet de nus, un chapeau deux fois oublié  joueront aussi leur rôle.

La mise en scène de Pascal Faber est inventive et tout au service des personnages et de l'histoire qui nous est contée. Que dire des interprètes, sinon qu'ils sont parfaits : Gaëlle Billaut-Danno, tour à tour rouée et coquette, outrée et passionnée. Pierre Azama, marmoréen, grondant de rage et comme effrayé lui-même de cette fêlure intérieur qu'il ne saurait en aucun cas reconnaître.

En clair, un spectacle enthousiasmant.

 

 

Célimène et le cardinal

de Jacques Rampal
Metteur en scène : Pascal FaberAssisante mise en scène : Benedicte Bailby 

Avec  : Gaëlle Billaut-Danno, Pierre Azema 

Lumières : Sébastien Lanoue 
Costumes : Caroline Martel 

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