« BOURREAUX D'ENFANTS ! » CHAPITRE 1

Théâtre de l'Aquarium
La Cartoucherie de Vincennes
Route du champ de manœuvre
75012 PARIS
Du 19 mars au 5 avril 2013, du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 16h.
Réservations : 01 43 74 99 61

 

L'Aquarium nous propose deux adaptations de textes , jouées dans deux salles et dans deux atmosphères bien différentes, qui ne sont pas écrits pour le théâtre à l'origine, mais qui ont pour point commun de représenter les enfants comme reflets des névroses des adultes.

 

Modeste proposition… d'après Jonathan Swift

Dans Modeste proposition concernant les enfants des classes pauvres, et autres pensées sur divers sujets moraux et divertissants, le metteur en scène François Rancillac nous propose une compilation d'extraits d'opuscules de Jonathan Swift autour de la question : que faut-il faire des enfants pauvres ? Fort du constat qu'ils coûtent la somme de 2 shillings par an à leur mère, « haillons compris » – la précision plusieurs fois répétée ne manque pas de faire sourire –, Swift a imaginé une solution radicale pour remédier à ce non-sens économique : les vendre aux plus riches pour qu'ils puissent… les manger. L'humour du spirituel satiriste irlandais, auteur des Voyages de Gulliver, fonctionne encore aujourd'hui. Il est bien servi par une scénographie qui souligne le contraste entre une comptabilité scientifique qui se veut rationnelle et très démonstrative et une solution qui dispute l'horrible au grotesque. Ce contraste est aussi celui du comédien, David Gabison. Avec son visage de vieil homme sévère, sa contenance austère et son costume de professeur, il joue une froideur que démentent une bonhommie avec laquelle on s'étonne de sympathiser… et des chaussettes roses du plus bel effet.

 

L'homme qui rit d'après Victor Hugo

La seconde partie est une adaptation du sombre roman de Victor Hugo, L'homme qui rit. L'action a été resserrée autour de quelques personnages que Christine Guênon incarne tour à tour : le narrateur, Ursus, Homo et Gwynplaine – l'enfant défiguré. Il est toujours question des injustices sociales, mais l'humour au second degré a cédé la place au tragique de la situation de l'enfance maltraitée. Sur scène, le résultat est très ambivalent. La très belle performance de comédienne que nous offre Christine Guênon est réellement époustouflante, et le public ne s'y trompe pas, qui lui offre l'ovation qu'elle mérite. Sans doute le numéro vaut-il à lui seul le déplacement jusqu'à Vincennes. Mais faire reposer la totalité du spectacle sur les seules épaules d'une seule comédienne (qui signe également l'adaptation et la mise en scène), quelle que soit l'étendue de son talent qui n'est pas en cause, n'est-ce pas trop exiger ? Le roman originel est long et complexe, et même ramenée à l'essentiel, l'épopée hugolienne souffre d'être réduite à un spectacle d'une heure : la richesse des rapports entre les personnages, leurs évolutions et leurs drames intérieurs en ressortent tronqués et risquent d'être incompréhensibles pour qui n'est pas familier de l'œuvre. Quel dommage !

 

Frédéric Manzini

 

NB : Il y aura en avril à l'Aquarium le chapitre 2 de cette série « Bourreaux d'enfants ! », avec des adaptations de La pluie d'été de Marguerite Duras et de L'Avare de Molière.

 

 

« Bourreaux d'enfants ! » chapitre 1

 

Modeste proposition… d'après Jonathan Swift

Mise en scène : François Rancillac.
Traduction : Émile Pons.
Scénographie : Jacques Mollon et François Rancillac.
Adaptation et jeu : David Gabison.
Durée : 50 min.

 

L'homme qui rit d'après Victor Hugo

Adapatation, mise en scène et jeu : Christine Guênon.
Durée : 1 h.