AU PLUS NOIR DE LA NUIT

Théâtre de la Tempête (Cartoucherie)
route du Champ-de-Manœuvre
75012 Paris
01 43 28 36 36 

Jusqu’au 21 octobre
du mardi au samedi 21h30, dimanche à 16h30.

 

Au plus noir de la nuit loupePhoto ©  Léna Roche

Né en 1935 dans une famille Afrikaner, André Brink est surtout connu pour "Une saison blanche et sèche", prix Médicis. 

Dans ce livre-ci, publié en 1974 et... interdit par la censure sud-africaine, il évoque la vie de Joseph Malan, noir, né en plein apartheid. Ses débuts diffficiles dans la vie, sa vocation de comédien, son départ pour Londres, ses premiers succès. Mais il décide de revenir dans son pays natal et c'est là que les difficultés commencent.

Nelson-Rafaell Madel confie que la dimension théâtrale du livre s'est tout de suite imposée à lui. Il a donc fait l'adaptation et en signe la mise en scène.

Beau travail.

Le début du spectacle nous fait vivre les derniers instants de Joseph : Il écrit mais ne veut rien garder, il écrit, un dernier geste théâtral. On se pose bien sûr la question de l'adaptation en général des romans à la scène : trop bavards souvent, simplificateurs, statiques quand ce n'est pas pire. Madel rend compte, du mieux qu'il peut de la jeunesse du jeune Joseph : ses relations avec les Blancs (pas très surprenantes) et surtout sa relation avec sa mère. Quand celle-ci meurt, on oublie ses préventions et l'émotion naît, perceptible. Elle va nous gagner, à mesure que nous nous suivons la nouvelle vie de Joseph à Londres. Des personnages surprenants surgissent, le "poète", qui clame que "le plus sûr moyen de se suicider est de continuer à vivre." 

Neuf ans s'écoulent et Joseph Malan revient au pays. Derek, son prof de théâtre et ami, est amer... ou lucide sur la situation : dans ce pays, rien a attendre du théâtre, dit-il. Joseph, têtu, décide de monter sa troupe et, pour ce, il auditionne. Et finit par présenter des pièces un peu partout, écartelé entre les pressions, les problèmes d'argent (ses subventions ne tiennent qu'à un fil !) et les départs des acteurs de sa troupe. Jessica, blanche et riche survient. Il en tombe amoureux. Leur relation fait scandale.

La fin, annoncée depuis le début, sera tragique.

Dans cette oeuvre, efficacement rythmée par la musique et les danses, la problématique est traitée comme un constat : avec réalisme et sans complaisance. Elle n'en est que plus forte. Six comédiens se partagent tous les rôles. Mexianu Medenou s'impose dans le rôle de Joseph : tour à tour naîf, pétri de bonne volonté ou révolté, il est le pivot du spectacle. À ses côtés, Claire Pouderoux est une amie d'école, puis une Jessica très juste. Les autres comédiens ne déméritent pas, qu'il s'agisse de Gilles Nicolas (très crédible en Derek et en écrivain qui s'avère tristement ségrégationniste) ou Ulrich N'Toyo qui prête sa folie à ses différentes incarnations. Bravo aussi à Adrien Bernard-Brunel. Quant à Karine Pédurant, elle est touchante en mère attentionnée et fataliste et surprend encore en comédienne de la troupe de Joseph.

En bref, André Brink est bien servi et ce spectacle nous poursuit longtemps encore, une fois les lumières éteintes.

Gérard Noël

 

Au plus noir de la nuit

de André brink. Adaptation et mise en scène  : Nelson-Rafaell Madel

Avec : Adrien Bernard-Brunel, Mexeanu Medenou, Gilles Nicolas, Ulrich N'Toyo, Karine Pédurant, Claire Pouderoux.

Dramaturgie : Marie Ballet
Chorégraphie : Jean-Hugues Mirédin
Scénographie et lumières : Lucie Joliot
Costumes : Alvie Bitémo, Emmanuelle Ramu
Musique : Yiannis Plastiras
Son : Pierre Tanguy
Assistanat à la mise en scène : Astrid Mercier

 

Mis en ligne le 27 septembre 2018