ANNA KARÉNINE

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie
Route du Champ-de-Manoeuvre
75012 Paris
Tél: 01 43 28 36 36

Jusqu’au 12 juin,
du mardi au samedi à 20h00
et le dimanche à 16h00

Anna Karénine loupe Photo Antonia Bozzi

Anna Karénine jouit de la réputation d’être la plus belle femme de Russie. Lorsqu’elle rend visite à son frère Stepan, un bal est organisé pour marier la jeune Kitty qui a beaucoup de succès et deux prétendants sérieux : Lévine, qui vient de la campagne et Alexis Kirillovitch, un officier de la ville. Anna se rend au bal à reculons, persuadée que « les bals où l’on s’amuse n’existent plus pour [elle] ». Pourtant, au moment d’une valse virevoltante, la passion naît entre Alexis et la flamboyante Anna. Effrayée dans un premier temps, elle se réfugie auprès d’un autre Alexis, son mari, haut fonctionnaire. Mais il est bien difficile de réprimer ses désirs et très vite, elle se met à sortir, à s’enivrer et se laisse aller dans les bras du bel officier. Ses tergiversations, d’un Alexis à l’autre, entachent sa renommée et la marginalisent dans une société dominée par la morale bourgeoise.

Mettre en scène une grande amoureuse de la littérature du XIXe n’est pas simple. Le spectateur, qu’il ait lu le roman de Tolstoï ou qu’il en ait vu une des adaptations cinématographiques, s’installe dans son fauteuil avec des idées et des images dans la tête. Pour y faire face, Gaëtan Vassart a recours a deux procédés : respecter ce « déjà-là » et le chambouler. Ainsi, il n’y a pas de décor trop imposant, au contraire, le plateau est quasi nu – quelques chaises, un piano, un lustre à bougies – et par ailleurs, il y a des paillettes, la voix d’Amy Winehouse, un vocabulaire parfois contemporain avec des anglicismes, et même un peu d’humour. Ça passe ou ça casse, c’est selon.

Il y a de très beaux passages comme les morceaux au piano, et surtout la scène de bal : la Valse à mille temps de Brel est virevoltante, et l’on a plaisir à voir comment, de regards en frôlements, éclot la passion entre Anna et Alexis Kirillovitch. D’autres scènes sont moins réussies et on regrette ça et là quelques longueurs.

C’est Golshifteh Farahani, véritable star de cinéma, qui a le rôle titre d’Anna, elle irradie mais ne monopolise pas la scène, parfois elle minaude, parfois elle agace, elle émeut un peu mais ce qui est sûr c’est que son personnage complexe occupe le devant de la scène sans laisser de côté les autres destins qui croisent sa vie, campés par des comédiens du Conservatoire national d’art dramatique. Il y a Anna, mais il y a aussi sa belle-sœur Daria, la femme trompée qui passe ses nerfs en laissant aller sa gouaille. Émeline Bayart est parfaite quand elle traite son mari de « brouette à merde » ou de « glaire sur le sol ». Ce dernier, Stépan, penaud mais irrécupérable, est déchiré entre deux femmes et contraste avec l’idéaliste Lévine qui, en plus de trouver l’adultère inconcevable, a de nobles idées sur l’éducation et  la collectivité. Il y a aussi Nicolaï, le frère de Lévine, atteint de tuberculose, écrivain raté qui a, comble de la malchance, un homonyme qui est un auteur à succès. Puis il y a Kitty, qui, à l’âge de tous les possibles, découvre à la fois le désir, l’amour et le rejet.

Malgré un ensemble un peu inégal, cette parenthèse passionnée et passionnelle offre un bon aperçu de la fresque de Tolstoï même si l’on pouvait attendre que la catharsis opère davantage.

Ivanne Galant

 

Anna Karénine

D'après Léon Tolstoï
Adaptation et mise en scène Gaëtan Vassart

Avec 
Golshifteh Farahani
Emeline Bayart
Xavier Boiffier
Sabrina Kouroughli
Xavier Legrand
Manon Rousselle
Igor Skreblin
Stanislas Stanic
Alexandre Steiger

Scénographie : Mathieu Lorry-Dupuy
Lumières : Olivier Oudiou
Costumes : Stéphanie Coudert
Son : David Geffard
Vidéo : Diego Governatori
Dramaturgie : Laure Roldan
Chorégraphie : Cécile Bon
Régiegénérale : Sébastien Lemarchand
Production : Compagnie La Ronde de Nuit

 

Mis en ligne le 14 mai 2016