1984

Théâtre de Menilmontant
15 rue du Retrait
75020 - PARIS
 Tél : 01 46 36 98 60

Le 29 et 30 mai

Merci de cliquer sur J'aime
Mis en ligne le 7 mai 2014

Spectacle vu en 2013

1984

Le théâtre de Ménilmontant propose pour la 5ème saison l'adaptation théâtrale de « 1984 », le livre culte de George Orwell.

J'étais vraiment curieuse de voir ce que pouvait donner sur les planches cette histoire touffue, pleine de réflexions philosophiques d'une incroyable brutalité intellectuelle, pas faite à priori pour le théâtre.

Eh bien quelle claque ! La même qu'à la lecture du bouquin, rendue plus violente encore par la force des images.

Le livre était déjà dérangeant, d'une noirceur absolue, sans une once d'espoir.

L'adaptation et la mise en scène d'une extrême précision ont su rendre l'atmosphère oppressante de ce monde terrifiant où l'ordre de Big brother est omnipotent : une langue universelle, des caméras qui scrutent tout mouvement, un mode de pensée auquel se tenir absolument, un passé à réinventer pour ne pas nuire et pervertir l'esprit unique, une société lissée, terriblement déshumanisée où la mort est l'unique solution currative aux déviances de toutes sortes.

Le décor fait de structures mobiles grillagées surmontées d'écrans rend tout à fait présent cet univers glacé dans lequel se déplacent des hommes de l'ombre dont on ne voit pas le visage. Les jeux des acteurs qui se répondent tour à tour sur l'écran ou sur le plateau, démultipliant l'effet de lavage de cerveau, soulignent avec efficacité le message adressé par Orwell : toute société sous le joug de quelque dogme que ce soit est rompue au silence et à l'acceptation quand on la dresse ou conditionne.

Sébastien Jeannerot est un Winston exceptionnel, tout en nuances, exalté, idéaliste, terrifié, abattu tandis que Swan Demarsan compose un O'Brien cynique à souhait.

C'est captivant, déroutant, réaliste et troublant, avec des scènes fortes qui prennent aux tripes et glacent le sang.

On en sort secoué, stupéfait de trouver tant de ressemblances entre ce qu'avait imaginé Orwell en 1950 et ce que nous vivons aujourd'hui – la Novlangue qui fait penser au langage SMS ou à l'utilisation de l'anglo-américain, la manipulation des masses via les médias, le remaniement de l'Histoire, le fichage déguisé des individus via Internet –, et abasourdi de constater que toutes les mises en garde ne servent à rien .

« Mais il était aussi évident qu'un accroissement général de la richesse menaçait d'amener la destruction d'une société hiérarchisée (…) Si tous, en effet, jouissaient de la même façon de loisirs et de sécurité, la grande masse d'êtres humains qui est normalement abrutie par la pauvreté pourrait s'instruire et apprendre à réfléchir par elle-même, elle s'apercevrait alors tôt ou tard que la minorité privilégiée n'a aucune raison d'être et la balaierait. En résumé, une société hiérarchisée n'est possible que sur la base de la pauvreté et de l'ignorance. » écrivait Orwell.

N'ayons de cesse de répondre : Je pense donc je suis, si je ne peux plus penser qui suis-je ? Est-ce que j'existe encore ?

Voilà une réalisation qui nous adresse une mise en garde, une volonté de faire prendre conscience au monde que nulle liberté n'est acquise et qu'une société peut rapidement sombrer dès que les peuples n'y prêtent plus attention.

Un spectacle qui est plus qu'un spectacle, superbe de vérité et d'effroi, qui ne peut pas laisser le spectateur indemne, qui nous éclaire sur le présent, et dont on sent qu'il va nous laisser KO pour un sacré bout de temps.

Nicole Bourbon

 

1984 (Big Brother vous regarde)

de George Orwell
Adaptation : Alan Lyddiard et François Bourcier
Réalisation : Sébastien Jeannerot

Avec :
Winston  – Sébastien Jeannerot
O'Brien – Swan Demarsan
Julia – Florence Nilsson
Syme – Loïc Fieffé ou Sébastien Antoine
Charrington – Hervé Terrisse ou Grégory Baud
Silhouettes – Pierre Biesmans et Tony Vasquez

Scénographie : Neil Murray
Musique : Lucien Zerrad