WONDER.LAND

Théâtre du Châtelet
1 Place du Châtelet
75001 Paris
01 40 28 28 40

Jusqu’au 16 juin

 

Wonder.land loupe National Theater London / Manchester International Festival

Qu’est devenue Alice en 2016 ? C’est toujours la jeune fille blonde à la robe bleue, qui, entourée d’étranges amis, se promène au Pays des Merveilles en poursuivant, un lapin blanc, sans trop savoir pourquoi. La différence, c’est que ce pays est virtuel, qu’Alice est un avatar et qu’on repousse les limites du farfelu avec parmi les personnages un dodo hyper musclé ou une fille surnommée tête de pizza coincée dans une poubelle, entre autres. Voilà comment le légendaire conte a inspiré Damon Albarn pour la musique, Moira Buffini signe les paroles et Rufus Norris la mise en scène.

Aly vit dans un monde grisâtre : ses parents sont séparés, elle est jalouse de son petit frère Charlie et elle est harcelée au collège. Son fidèle ami le smartphone apparaît comme le seul outil permettant d’échapper à cette réalité morose. Voici donc qu’Aly s’épanouit sur www.wonder.land.com, un monde virtuel. Alice, son « double » de pixels apparaît. Si dans la vraie vie Aly est impopulaire et mal dans sa peau, Alice est tout le contraire. Malheureusement, smartphone et école ne font pas bon ménage et l’objet atterrit dans le bureau de la directrice. Non seulement celle-ci le lui confisque mais elle s’approprie aussi l’avatar d’Aly, qu’elle modèle à son image. La douce Alice est désormais vêtue d’une robe rouge sang et se montre tyrannique avec ses « amis » virtuels…

Costumes, décors, projection, musique électro, violons, tout est mis en œuvre pour nous transporter dans un univers aussi attirant qu’effrayant. En effet, cette comédie musicale grand public s’avère parfois didactique lorsque les personnages évoquent les cyberaddictions ou les tourments de l’adolescence. Si les scènes de conflit entre Aly et sa mère sont quelquefois un peu trop appuyées voire stéréotypées surtout dans la première partie, la deuxième partie est plus convaincante. La musique est plus pop, les chorégraphies virevoltantes, notamment avec l’épisode des zombies.

Cette Alice 2.0 pose la question de l’identité – le récurrent Who are you ?- et des frontières poreuses entre la fantaisie et la logique, l’autre et soi, ainsi que la virtualité et la réalité. Sur ce point, on pense au film de Spike Jonze, Her, sauf qu’ici, il ne s’agit pas d’avoir une relation amoureuse avec une autre personne que soi, il s’agit d’une relation narcissique avec son alter-égo, son soi en mieux. Ms Manxome la directrice l’illustre à la perfection lorsqu’elle s’empare de l’avatar : Anna Francolini est une sorte de Cruella terrifiante et drôle qui n’hésite pas à s’exprimer en français pour le plus grand bonheur du public. Les 19 artistes qui évoluent sur scène tirent tous leur épingle du jeu pour proposer un spectacle qui, s’il fait de temps à autre penser aux adaptations de Walt Disney et Tim Burton, réussit le pari de l’actualisation hyper-moderne.

Ivanne Galant

 

Wonder.land

Musique : Damon Albarn
Livret et paroles : Moira Buffini
Mise en scène : Rufus Norris

Avec :
M.C. (Cheshire Cat./Caterpillar) : Hal Fowler
Aly : Lois Chimimba
Bianca : Golda Rosheuvel
Matt : Paul Hilton
Dinah : Witney White
Kitty : Abigail Rose
Mary Ann : Stephanie Rojas
Alice : Carly Bawden
White Rabbit : Joshua Lacey
Mrs. Manxome : Anna Francolini
Luke Laprel : Enyi Okoronkwo
Mr King : Adrian Grove
Dum : Sam Archer
Dee : Leon Cooke
Mouse / Kieran : Ed Wade
Humpty : Daisy Maywood
Dodo : Ivan De Freitas
Mock Turtle : Cydney Uffindell-Phillips
W.P.C. Rook : Nadine Cox

Décors : Rae Smith
Projections : 59 Productions Ltd
Costumes : Katrina Lindsay
Lumières : Paule Constable
Son : Paul Arditti
Chorégraphie : Javier De Frutos
Supervision musicale : David Shrubsole
Collaborateur à la mise en scène : James Bonas

 

Mis en ligne le 10 juin 2016