PASSION

Théâtre du Châtelet
1 Place du Châtelet
75001 Paris
01 40 28 28 40

Jusqu’au 24 mars

 

Passion loupe 

Qu’ils sont beaux, Giorgio, le grand capitaine élégant et Clara, sa maîtresse bourgeoise toute en cheveux blonds, bouclés et longs comme une cascade. Pourtant, très vite, cette joyeuse idylle est troublée par le départ du capitaine pour une ville de province.

Loin de Milan, Giorgio passe son temps à écrire des lettres à sa belle amoureuse qui lui apparaît régulièrement en rêve. Mais ces songes-là sont interrompus par les cris désespérés de Fosca, la cousine du colonel Ricci.

On la dit laide, malade, chétive, frêle, mélancolique et même folle. Elle passe son temps à « lire pour vivre », et se cramponne à ses livres comme à une bouée au milieu de l’océan de tristesse qui la submerge depuis sa jeunesse. Pourtant, quand elle se rend compte que le beau Milanais partage sa passion de la littérature, elle sort de sa chambre et se change en amoureuse acharnée.

Fosca, sur des charbons ardents, n’hésite pas à tenter le tout pour le tout pour séduire le capitaine : celui-ci, droit dans ses bottes éprouve d’abord de la compassion pour cette étrange créature, puis il est agacé, avant d’être complètement subjugué par l’amour inconditionnel dont il fait l’objet.

Natalie Dessay et Erica Spyres forment un duo clair-obscur convaincant : Clara est aussi légère que Fosca est grave, et elles tournent autour d’un Ryan Silverman parfois un peu hagard et étourdi par cette valse tragique des sentiments.

Fanny Ardant à la mise en scène a fait le choix d’une sobriété qui laisse toute la place au côté sombre de la passion. Il n’y a pas de décors impressionnants et majestueux comme on a l’habitude de les voir au Châtelet : les personnages évoluent sur une scène souvent vide, avec en fond de grands panneaux comme éclaboussés, tâchés et rayés de noir. On n’est pas à proprement parler dans une « comédie musicale », c’est bien le drame de la passion qui se joue sous nos yeux, un drame où l’amour et la mort sont les deux faces d’une même monnaie. Nous l’avons bien compris, la nudité du plateau est un choix et ne relève pas de l’économie de moyens ; on en prend d’ailleurs plein les yeux car la scène est parfaitement habillée par les superbes costumes de Milena Canonero. Nous pensons surtout aux magnifiques oiseaux nocturnes qui viennent déranger le sommeil du beau Giorgio pris dans les griffes de Fosca.

L’adaptation de Stephen Sondheim, inspiré du roman d’Iginio Ugo Tarchetti, Fosca (1869) et du film d’Ettore Scola, Passione d’amore (1981) est bouleversante. La suggestivité de la composition, les chansons – dont certains refrains sont repris comme des échos tout au long du spectacle –, les répliques de même que les lettres écrites, reçues et lues évoquent toute la palette des sentiments éprouvés par les personnages.

Rythmé par le roulement des tambours, c’est un tourbillon tragique qui nous emporte et qui interroge et explore l’amour dans ses manifestations aussi bien physiques que psychiques. En aimant à en avoir littéralement le souffle coupé, Fosca devient une icône de la passion : l’amour raisonnable est-il vraiment de l’amour ?

Ivanne Galant

 

Passion

Musique et paroles : Stephen Sondheim
Livret : James Lapine
Direction musicale : Andy Einhorn
Mise en scène : Fanny Ardant
Décors : Guillaume Durrieu
Costumes : Milena Canonero
Chorégraphie : Jean Guizerix
Lumières : Urs Schönebaum
Son : Stéphane Oskeritzian
Orchestre : Orchestre Philharmonique de Radio France

Avec :
Fosca : Natalie Dessay
Captain Giorgio Bachetti : Ryan Silverman
Clara : Erica Spyres
Colonel Ricci : Shea Owens
Docteur Tambourri : Karl Haynes
Sergeant Lombardi, Cook : Michael Kelly
Lieutenant Barri & le père de Fosca : Nicholas Garrett
Major Rizzolli : Franck Lopez
Count Ludovic : Damian Thantrey
Private Augenti : Matthew Gamble
La mère de Fosca : Tara Venditti
Mistress : Kimy Mc Laren

 

Mis en ligne le 21 mars 2016