VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT

Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette
75011 Paris
01 43 57 42 14

Jusqu’au 19 février 2016
Tous les jours à 21 h sauf les dimanches à 17 h
Relâche les 5, 10 et 15 février

 

Voyage au bout de la nuit loupe Photo Jean-Louis Fernandez

Parallèlement à l’adaptation d’À la recherche du temps perdu qui sera donnée dans quelques jours Rodolphe Dana propose sa version du Voyage au bout de la nuit où, seul en scène, avec six tables métalliques pour tout décor, il joue l’épopée de Bardamu pendant la guerre, puis en Afrique et enfin aux États-Unis.

Proust et Céline donc. Deux grands auteurs contemporains l’un de l’autre mais que tout oppose du point de vue de leur style, de leur sensibilité et de leur écriture : raffinée jusqu’à la préciosité aristocratique pour l’une, plus brutale et plus rugueuse pour l’autre. De sorte qu’il faudrait plutôt dire : « Céline contre Proust », puisque telle semble être le motif de cette confrontation théâtrale à distance, par soirée interposée. Rodolphe Dana rappelle d’ailleurs dans sa note d’intention le mot de Céline : « Proust s’est occupé des mondains, je me suis occupé du peuple ! »

Sans juger de ce qu’il en sera pour la version d’À la recherche du temps perdu rebaptisée Le coup droit lifté de Marcel Proust, le résultat est plutôt surprenant pour ce qui est du Voyage. Ce qui frappe surtout est, paradoxalement, la sophistication de la phrase célinienne qu’on croyait plus orale qu’écrite. Quand il dit par exemple « L'éminence que nous atteignîmes couronnait l'infinie forêt, moutonnante de cimes jaunes et rouges et vertes, peuplant, pressurant monts et vallées, monstrueusement abondante comme le ciel et l’eau », Rodolphe Dana semble finalement lire un livre. Et cela ne vaut pas que pour les descriptions car même les passages parlés du début de l’œuvre semblent classiques, comme celui-ci par exemple : « Comment me prêter à moi, les sentiments d’une semblable perfidie ? C’est trop d’injustice en vérité ! J’en ferais capitaine une maladie ! […] De quelle abominable médisance, messieurs, êtes vous devenus les victimes ? »

 Est-ce le choix des textes retenus, est-ce la diction du comédien, est-ce la banalisation de la langue orale ? Toujours est-il que le choc attendu, trop attendu peut-être, ne se produit pas.

Frédéric Manzini

 

Voyage au bout de la nuit

D’après Louis-Ferdinand Céline
Adaptation :  Rodolphe Dana, Katja Hunsinger
Lumière : Valérie Sigward
Costumes : Sara Bartesaghi-Gallo

Avec : Rodolphe Dana

 

Mis en ligne le 3 février 2016