RÊVE ET FOLIE

Théâtre des Amandiers
7, avenue Pablo-Picasso
92022 Nanterre

01 46 14 10 00

Jusqu’au 21 octobre 2016
Du mardi au vendredi à 20h30
le samedi à 18h30 et le dimanche à 16h00

 

Rêve et folie loupePhoto © Pascal Victor-Artcom Art

D’abord, il y a tout le rituel Régy, avec ses propres codes, toujours si surprenants mais toujours aussi efficaces : le silence qui s’impose et que s’imposent les spectateurs, le noir qui gagne progressivement la salle et qui envahit la totalité l’espace, l’exceptionnelle qualité d’écoute dans un temps suspendu qui en résulte, qui amplifie tous les sons et qui place chacun dans une disponibilité intense et inouïe. Initiés ou pas, on se tient aux aguets, les sens en éveil, dans l’attente d’une expérience. Quand le spectacle commence – et même s’il a déjà commencé – on est saisi par la vision trouble de ce qu’on ne parvient pas à identifier et qui rend d’emblée incertaine la frontière entre le rêve et la réalité, la conscience et l’inconscient. Qu’est-ce qui semble s’approcher ainsi de nous ? Où sommes-nous ? Et qui parle ?

Le décor épuré redouble les interrogations : certains y voient une arche ou un pont, d’autres un firmament tandis j’y ai plutôt vu un œil dont le comédien forme la pupille. Yann Boudaud, seul en scène, le corps massif mais en déséquilibre constant, à la fois puissant et hébété avec sa diction qui détache lentement les syllabes, se donne corps et âme dans cette interprétation de son complice Claude Régy. Le dispositif scénique est précis et le travail des lumières (signées Pierre Gaillardot), absolument remarquable d’un bout à l’autre de la pièce, revêt une importance décisive dans une telle obscurité. Le travail sur le langage est peut-être moins convaincant, paradoxalement, à moins que ce ne soit le texte de Trakl qu’on soit en droit de juger décevant, comme si l’exploration qui se jouait n’avait pas trouvé un répondant à sa hauteur.

Quoi qu’il en soit, ce théâtre-là est un vrai exercice de style, une performance qu’il faut vivre ; il ne nous reste plus qu’à espérer que ce ne soit pas la dernière mise en scène de Claude Régy dont, à 93 ans, on attend encore beaucoup.

Frédéric Manzini

 

Rêve et folie

D’après Georg Trakl
Traduction française : Jean-Marc Petit
Mise en scène : Claude Régy assisté d’Alexandre Barry
Scénographie : Sallahdyn Khatir

Lumières : Pierre Gaillardot

Avec : Yann Boudaud

 

 

 

 

Mis en ligne le 24 septembre 2016