Pierre SANTINI – Jean-Pierre KALFON

Pour le spectacle Fratricide

Théâtre La Luna

16h05

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Mis en ligne le 10 juillet 2014

 
Pierre Santini – Jean Pierre Kalfon
(Photos Claude Bourbon)

Qui mieux que ces deux grands comédiens pourrait nous parler de leur art ?

Ils sortent tout juste de scène, à la Luna, où ils viennent d'interpréter Fratricide.

La conversation débute tout naturellement par leurs rôles dans cette pièce qui voit deux frères s'affronter et qui leur a donné l'occasion pour la première fois de jouer ensemble alors qu'ils s'étaient connus il y a environ cinquante ans au cours de Charles Dullin.

Deux rôles très différents mais ils s'accordent à dire que l'intéressant c'est d'avoir un bon texte.

« Quand on nous propose un rôle il faut que ce soit bien écrit et que le personnage attire notre attention. Aucun rôle n'est facile et aucun rôle n'est difficile. » précise Pierre Santini.

— Et il faut sentir le personnage, sinon on l'interprète mal. Parfois il nous semble proche parfois étranger. Mais on y met forcément toujours quelque chose de nous. » ajoute Jean Pierre Kalfon.

Ensuite tout se crée sur scène avec le metteur en scène. Ici c'est en l'occurrence une metteuse en scène (Delphine de Malherbe), « qui sait être à l'écoute, elle nous laisse lâcher notre imagination et nous recadrer lorsque c'est nécessaire. Car on ne travaille pas seulement avec l'intellect mais avec tout le corps ».

Et tout dépend aussi du partenaire, celui qui renvoie la balle. 

Jean-Pierre Kalfon :

— C'est important de bien s'entendre. Là en l'occurrence il n'y a pas de problème, on est au contraire très heureux de se retrouver.

Pierre Santini :

— Surtout au théâtre car on se retrouve tous les jours sur un grand laps de temps. »  

Ce qui leur donne l'occasion d'enchaîner sur les différences entre théâtre, cinéma et télévision.

« Télé ou cinéma sont très différents, C'est souvent l'occasion de belles rencontres sur un plateau mais on n'a pas la même proximité.

— Et puis complète Jean Pierre Kalfon, au cinéma ou à la télévision, on ne peut rien changer. C'est figé une fois pour toutes, c'est une image du passé fixée à jamais ; au théâtre on peut chaque jour retravailler, modifier, avoir une inspiration. Le metteur en scène aussi apporte des modifications, Georges Wilson disait Hier c'était hier, aujourd'hui on fait autrement.

— Moi c'était Raymond Rouleau s'amuse Pierre Santini.

Ils rient tous les deux, heureux de ces souvenirs qui les ramènent à leur jeunesse.

« La perception n'est pas la même, continue Jean-Pierre Kalfon. Devant l'écran de cinéma, le spectateur est plus petit que l'image. Devant son poste de télévision, il est plus grand que l'image.

Et au théâtre on a un rapport direct avec le public. Notre métier c'est une façon aussi d'aller vers les autres, de les accompagner dans leurs rêves.

— ou leurs cauchemars. »

Ce n'est pas pour rien que souvent les artistes ont fait auparavant des études de médecine ou viennent de l'enseignement, professions elles aussi tournées vers les autres. D'ailleurs Pierre Santini confie qu'il aurait aimé être chirurgien s'il n'avait pas été comédien.

— Moi je serais mort si je n'avais pas fait ce métier. Je n'aurais rien pu faire d'autre affirme au contraire Jean Pierre Kalfon

Ce qui ne les empêche pas d'avoir d'autres activités, Jean-Pierre Kalfon est très investi dans son groupe de rock, l'écriture de chansons, Pierre Santini a présidé l'ADAMI, il est président de Culture à cœur qui donne des places gratuites à ceux qui ne peuvent aller au spectacle pour raisons financières, 230000 sont distribuées chaque année dans toute la France. Il est aussi engagé politiquement et syndicalement, très militant et le problème actuel de l'intermittence ne le laisse pas indifférent.

— Je ne vois pas l'utilité de faire grève. Un artiste a envie de faire son métier. Attendons les six mois de rencontres entre partenaires sociaux promis par le gouvernement. Dans six mois si rien n'a bougé, alors on verra. Mais il faut surtout expliquer. Le statut d'intermittence a été une des plus grandes conquêtes sociales depuis la Libération. Il reconnaît qu'on ne peut travailler douze mois sur douze.
— Il y a le temps passé à apprendre les rôles, à en lire, à en chercher. Sur nos bulletins de salaire sont prélevées de lourdes cotisations et nos employeurs aussi. C'est normal qu'on soit protégé en cas de sinistre, c'est une assurance. »

Les deux s'accordent à reconnaître que comme souvent et dans d'autres situations il y a eu des abus, des tricheries et qu'il faut remettre le système à plat.

En attendant ils sont prêts chaque soir à endosser les habits de Jean et Fabien, accomplissant ce métier dont ils parlent avec passion et une certaine gourmandise.

Nicole Bourbon