RENCONTRE AVEC ANNE CANGELOSI COMÉDIENNE

 

Anne Cangelosi loupe 

Je souhaitais découvrir la comédienne qui se cache sous les traits de cette vieille dame « indocile », Mémé Casse-Bonbons alias Joséphine Troux, personnage connu et reconnu à Avignon, qui sillonne les routes de France. Voilà c’est chose faite. J’ai le plaisir de rencontrer la comédienne Anne Cangelosi dans le Tgv qui l’emmène pour un spectacle dans le sud de la France, une jeune femme de presque 50 ans, comédienne depuis peu mais qui a toujours voulu faire ce métier.

— J'ai commencé à 12 ans, c'est un prof de français qui m'a inoculé le virus et cela ne m’a plus jamais lâché mais je n’étais pas vraiment suivie par mes parents. À la maison c’était plutôt ambiance « Passe ton bac d’abord », ce que je peux concevoir, c’est un milieu compliqué qui peut faire peur. J’ai tout de même suivi beaucoup de cours et fait des petits boulots pour les payer.  Je suis allée dans un cours un peu en vogue dans les années 90, le cours de Véra Gregh où j’ai croisé Karine Viard, Julie Gayet, Léa Drucker. Dans ce cours, mes profs me disaient qu’il fallait que j’écrive.  Ce que j’ai fait pendant mes vacances quelques mois après le décès de ma grand-mère, avec laquelle j’avais vécu jusqu’à l’âge de 11 ans. Je reviens donc avec un texte, ma prof Véra le lit et me dit : « C’est intéressant mais il manque vingt minutes pour faire un seul en scène. » Et là, gros blocage, impossible de retoucher le texte, je le remets dans ma petite pochette, dans ma petite armoire et terminé. J’arrête le théâtre, j’ai 25 ans, je choisis la sécurité, le salaire à la fin du mois et j’arrête de jouer pendant quinze ans.

 

Ensuite arrive ce que Anne appelle la partie conte de fée de l’histoire mais aussi une période source de questionnements.

— Je rencontre mon mari, on se raconte nos passions et il m’encourage à reprendre les cours, sauf que les questionnements arrivent, je n’ai pas joué depuis quinze  ans, est-ce que cela s’oublie ? Est-ce que l’on a la même folie à 40 ans qu’à 20 ans ? Ces vingt années sont celles pendant lesquelles on se construit en tant qu’adulte, est-ce que ce n’est pas trop tard ? Je retrouve un cours, on enlève la rouille, les toiles d’araignées. À priori, cela ne s’oublie pas, c’est comme le vélo. La manière de travailler est la même que celle que j’avais apprise, une manière ouverte, large où tu n’es pas cantonnée dans un rôle de soubrette parce que tu n’as pas un physique de jeune première.

 

C’est donc un réapprentissage, de nouveaux débuts sur les planches, une succession de rôles, de rencontres et d’expériences.

— J’ai le sentiment que François mon prof me teste alors je ne recule devant rien, je lui dis qu’il peut faire de moi ce qu’il veut et il ne s’en prive pas. Je me fiche de ne pas être mise en valeur, je ne crains pas le ridicule. Je me plonge dans un monologue de trois quarts d’heure de Dario Fo. J’accepte un rôle difficile avec des dialogues mi-français, mi-espéranto qu’il me propose, un rôle avec des gros pavés à apprendre mais le rôle me passe sous le nez. Je suis déçue et tout cela fait remonter des tas de choses. Le cours d’après, je me lance, je lui passe une impro de Mémé et là il me dit : « Ça, ça m’intéresse, tu vas le finir et je te mets en scène. » Là c’est un moment magique… Je l’ai jouée pendant trois mois  et j’ai tout connu, les salles quasiment pleines parce qu’il y a tous les copains qui viennent au début, puis des salles avec trois ou quatre personnes et parfois vides, les décors à monter à chaque fois sans être sûr de jouer  lorsqu’il n’y a personne. Mais il faut que je me donne à fond, je quitte mon boulot et je m’inscris à une école de One man show où je tombe sur Alexandre Delimoges. Et là, je m’en prends plein la gueule avec ma Mémé car à l’époque, la grande mode est au stand up et il n’y a plus de personnages. Je digère le truc et je reviens à la charge parce que moi j’y crois à ce personnage.
On fait une lecture et il me coupe la moitié de ce que j’avais sué sang et eau à écrire pendant deux ans. Mais c’est comme ça qu’est arrivée la deuxième version de Mémé, Alexandre me programme au théâtre, cela se passe à peu près bien et cadeau immense, il me dit : « C’est un spectacle que je veux défendre, je te fais la mise en scène ».

 

Ainsi commence le phénomène Mémé, ce rôle qu’endosse Anne, elle le joue au théâtre Le Bout, au théâtre des Oiseaux à Nice, dans un festival où elle joue en alternance un spectacle pour enfants. Arrive l’été 2012, le titre est changé Le péril vieux devient Mémé Casse-Bonbons et après deux ans de rodage, Mémé part faire son premier Avignon

— Avignon c’est la guerre des étoiles car il y avait déjà  1200 spectacles, il faut tout faire là-bas. Tractage, affichage, rencontres avec les pros … Et je remplis, tout le monde se demande qui est cette vieille qui remplit… C’est le déclencheur, ensuite les Blancs Manteaux et la pompe est amorcée, viennent les dates en province, Avignon en 2013 et 2014, l’opus 2 en 2015 avec une tournée qui passe à nouveau par Avignon en 2015 et 2016…

 

Le temps passe vite en compagnie d’Anne, nous sommes presque arrivées à destination, il ne reste que quelques instants pour évoquer 2017.

— Mémé est toujours sur la route et, outre un nouvel Avignon en juillet 2017 dans deux théâtres, l’écriture du troisième volet que le public réclame, je continue de donner des cours pour les jeunes à Conflans Ste Honorine et à l'école du One Man Show, pour les adultes qui veulent en faire leur métier. Je répète pour une pièce dans un tout autre registre, une pièce qui s’adresse aux notaires, juges… pour expliquer ce qu’est la médiation (comment éviter le tribunal), pièce qui sera présentée à Amiens le 16 mars 2017.

 

Et moi, il me reste à dire que madame Anne Cangelosi, en plus d’être une comédienne très talentueuse, est une belle personne, généreuse et passionnée à la bonne humeur communicative, clé de son succès ?

 

Maryline Bart